Dans le flot des films dédiés aux génocides, catastrophes humanitaires et invasions brutales, comment parvenir à nous atteindre fort dans les yeux, la conscience et le cœur ? Pari réussi pourtant, pour ce remake, mais néanmoins ce bijou, cette dynamite, cette romance, ce reportage… Comment le nommer?
En 1999, les troupes Russes envahissent pour la seconde fois la Tchétchénie, sous couvert de lutte anti-terroriste. Suite au massacre d’un village, on suit les chemins entrecroisés d’un orphelin esseulé de 9 ans, en voie d’autisme, brinquebalé jusqu’aux ruines d’une ville, de sa grande sœur rescapée aussi et partie à sa recherche sur les routes, d’une immature militante Française aux Droits de l’Homme formée de facto aux dures et cruelles réalités et au sens de la responsabilité, et l’étonnante et pathétique évolution d’un jeune Russe sentimental enrôlé de force dans une armée et contraint de sombrer progressivement dans la monstruosité s’il veut éviter un enfer pire encore.
Sans doute l’un des films les plus puissants, poignants et décourageants que j’ai pu voir sur le sujet. Brillant et efficace par son bain de conscience dans les carnages barbares d’une armée de sauvages, les vécus violents et traumatiques, le désarroi et la misère conséquents, les souffrances et les promesses désespérantes d’avenirs vengeurs, et les agitations vaines des ONG face à des Etats et institutions sempiternellement déconnectés qui dorment en faisant de la diplomatie et de la comptabilité. Pourtant la mise en scène prime l’humain et l’intime, dans une aventure aux destins croisés, une enquête quasi-policière et une docu-fiction réaliste et sans concession sur l’horreur Tchétchène. On en ressort chamboulé d’émotions, transporté d’aventures, pétrifié d’horreur, avec en plus la classe d’une lueur d’espoir.