Au sortir de l’immense succès de The Artist, certains polémiqueront encore là-dessus, Michel Hazanavicius, attendu au tournant, change radicalement de registre avec The Search. Délaissant un cinéma populaire à forte consonance comique et nostalgique, le metteur en scène s’emploie, pour l’occasion, à nous plonger brutalement en plein conflit tchétchène, au plus près d’une population dans l’errance, au sein même, aussi, d’une jeune armée russe complètement paumée et répondant à cette déperdition pour la violence. Oui, lors de son apparition à Cannes, apparition qui n’a emballé personne du côté de la Côte d’Azur, le réalisateur si prodigieux, selon les dires, en aura surpris plus d’un. Si l’on serait tenté de louer les efforts de reconversion d’un réalisateur ayant pour ainsi dire déjà tout gagné, nous ne pouvons hélas pas passer à côté de son manque sincère de franchise. The Search, aussi attrayant soit-il, sur le plan humain avant tout, n’en reste pas moins un film ne faisant qu’effleurer son sujet pour mieux bouleverser. Une forme de racolage, en somme.
Nous sommes donc propulsés en toute fin du 20ème siècle, durant ce que les officiels appellent la seconde guerre de Tchétchénie. Une guerre sale, une guerre masquée en chasse aux terroristes, en vérité aux indépendantistes, par une armée russe impitoyable de méchanceté mais aussi d’amateurisme. Le conflit, surtout, se démarque de par l’inintérêt de la communauté internationale. Nous suivons alors un jeune enfant exilé, sa sœur, une représentante des droits de l’homme et finalement un jeune citoyen russe enrôlé plus ou moins par sentence dans les forces armées russes. Tout ce petit monde convergera finalement vers une histoire commune, on s’en doute, quelque part sise entre les essais de Paul Haggis et les grands films chorales de jadis. Avec un certain sens de la narration, Michel Hazanavicius parvient à rendre crédible ces faits tragiques, l’errance de ces âmes bouleversées par la guerre. Certes, ceci est une adaptation et une téléportation des faits, mais le metteur en scène parvient à capter suffisamment d’énergie dramatique pour rendre son film tout à fait captivant.
Là où le réalisateur ne parvient pas vraiment à convaincre, c’est dans sa mise en scène à proprement parler. Si les décors naturels sont excellents, le jeu des différents acteurs n’est pas optimal, notamment celui des comédiens du cru, peu habitués à l’importance d’un tel récit. On pense là notamment à cette première séquence en found footage qui démontre le peu de capacité de certains comédiens à jouer le drame. Bref, tout cela ne serait que peu visible si le réalisateur ne lorgnait pas continuellement sur les capacités d’actrices de sa femme, la ravissante mais un peu paumée, pour l’occasion, Bérénice Béjo. Elle aussi couverte d’éloge pour sa participation à The Artist, l’actrice ne trouve que rarement les justes expressions, manquant cruellement de charisme, à l’exception d’une séquence de discours, face à la gravité des situations l’entourant. Mais par-dessus tout, on perçoit clairement la volonté un brin opportuniste du réalisateur de prendre les émotions faciles là où elles sont, en s’appropriant un récit dramatique à fort potentiel et le tout, sans trop y croire.
Jamais vraiment désagréable, parfois suffisamment troublant pour captiver, The Search n’est certes pas une nouvelle réussite majeure pour le réalisateur mais s’impose comme une production soignée, intéressée et noble, moralement parlant. Un film jalonné de défauts mais qui mérite visionnage du fait qu’il s’intéresse de très près à un conflit pas si ancien et quasiment ignoré de tous. Devoir historique, en somme, par un cinéaste toujours prometteur que l’on espère retrouver plus indépendant par la suite. 12/20