Évidemment si on évoque l'espionnage anglais, le premier nom qui revient inlassablement est James Bond. Quintessence du fun et du flegme, 007 passe les décennies sans rien perdre de son aura. Pourtant, même s'il demeure le plus grand en la matière, force est de constater qu'il n'en est plus le seul représentant. En adaptant brillamment John le Carré avec La Taupe (2011), le réalisateur Tomas Alfredson dévoile un nouvel ambassadeur: George Smiley. Sorte d'antithèse même de Bond, Smiley est un vieux briscard des services secrets, impénétrable et expérimenté, qui traque l'ennemi dans des enquêtes labyrinthiques avec l'intelligence comme seule arme. Nous avons donc l'aisance (Bond), l'élégance (Smiley). Ne manquait plus que l'irrévérence. Et c'est sur ce terrain que joue Kingsman.
Et si l'élite de l'espionnage britannique décidait d'injecter du sang-neuf dans ses rangs, en recrutant une petite-frappe complètement étrangère aux costumes trois-pièces? Bon, l'idée n'a rien de réellement novatrice, il faut l'admettre. Mais ce qui a motivé Matthew Vaughn dans l'adaptation de la BD The Secret Service n'est pas tant l'idée principale que la manière de jouer avec un genre. Comme il l'a fait en 2010 avec Kick-Ass, et qui s'attaquait lui aux super-héros. Il est ici question de reprendre les codes principalement instaurés par les James Bond et de s'en amuser. Et c'est un vrai plaisir de suivre l'initiation du jeune Garry (surnommé Eggsy) au sein des Kingsman sous l'œil bienveillant de l'agent Harry Hart. Ce dernier, en parallèle, cherche à appréhender Richmond Valentine, un riche homme d'affaire au dessein machiavélique, déjà responsable de la mort d'un de ses confrères. Pour endiguer une menace sans précédent, l'agence Kingsman aura besoin de ses membres...Tous ses membres.
Conscient des risques inhérents à ce type de film (les parodies à la Austin Powers, non merci), Vaughn choisit de détourner sans tomber dans le lourdingue. Harry Hart incarne le flegme à merveille, mais il est aussi à l'aise dans l'action récréative à souhait (la scène de l'église, excellente). L'hommage va de pair avec les quelques railleries (le méchant qui zozote), et l'absurde le côtoie au fun (le feu d'artifice final). C'est un vrai pied de voir un film pareil servi par des modèles de charisme à l'anglaise (Colin Firth, Mark Strong et Michael Caine) et un Samuel L.Jackson pétillant dans le rôle Valentine. De plus, on s'attache très vite à la figure de Taron Egerton, qui fait des étincelles dans la peau de l'impertinent Garry. Je reste cependant sceptique quant à la stylisation parfois excessive de Vaughn et l'enchainement parfois trop rapides de certaines scènes.
Mais ceci dit, le plaisir est là. Et il est bon de se rappeler que mis à part le Vodka Martini, l'espionnage anglais a d'autres cocktails en réserve. Et le Kingsman, ça fait du bien par où ça passe.