Autant le dire: lorsque j'ai vu "Blade Runner" pour la première fois, ce fameux "classique de la science-fiction", j'ai été atrocement déçu. Mais alors vraiment déçu. J'avais trouvé ça lent, soporifique, sans but...bref, mon incompréhension envers la réputation de ce film était totale. Mais qu'avait-il donc de si spécial ? Autant, "Alien" du même réalisateur, j'étais d'accord pour dire que c'était un chef d'oeuvre, mais alors celui-là...en tant que fan de sf et de Ridley Scott, ça m'a mis sur le cul. Une chose était sure: il fallait que je le revois . Pour mieux l'apprécier, ou au pire, pour mieux comprendre ce qui n'allait pas. Qu'importe si ça me ferait souffrir. On parle quand même de "Blade Runner", un film unanimement adoré ! Et il est tout de même considéré par beaucoup comme le plus grand film de science-fiction de tous les temps. Et là, surprise: j'ai bien mieux accroché lors de ma deuxième vision. Mieux: je comprend parfaitement (ou presque) sa réputation. Je l'ai trouvé plus fascinant que je ne le voulais, et...hypnotisant. Oui, c'est ça: complètement hypnotisant. A cela il faut ajouter son intemporalité. Déjà, ce qui fait que ce film est intemporel (en dehors de son propos), c'est le fait qu'il n'ait pas vieilli. Pas vieilli visuellement, j'entends. C'est un vrai régal pour les yeux, les images sont d'une beauté tout simplement renversante. Grâce à la photographie, que je qualifierai sans hésiter de somptueuse, mais aussi bien évidemment grâce à la réalisation de Scott. Certains plans sont beaux à en pleurer, c'est juste grandiose.Ce n'est un secret, pour personne Scott est un pro pour filmer: il délivre toujours des images magnifiques, et ce peu importe la qualité du film. Un vrai génie du visuel. Là, il doit probablement être à son apogée. C'est difficile à dire tellement ses autres films (surtout "Gladiator," "Alien", "Kingdom of Heaven"...) sont aussi irréprochables d'un point de vue visuel et mise en scène. Pour ce qui est des effets spéciaux, ils n'ont à vrai dire à peine vieilli si ce n'est pas du tout. Utilisant judicieusement les maquettes et quelques effets numériques rares (et encore très beaux, alors qu'ils datent de 1982 !), Scott nous immerge totalement sans nous sortir du long-métrage par quelque effet raté. Même "Alien" a bien plus vieilli de ce côté-là. "Blade Runner" a vite rejoint le panthéon des films de sf qui n'ont pas vieilli visuellement, avec notamment "2001: l'Odyssée de l'espace" et autres "Star Wars". Cela dit, les effets spéciaux ne sont pas vraiment légions dans le film. Ce qui frappe plus, c'est la direction artistique. Il y a de quoi être bouche-bée. Cette vision du futur est à la fois effrayante et magnifique. La ville futuriste de Los Angeles, sombre, remplie et insalubre a quelque chose de terriblement fascinant. Tout fan de sf ne peut qu'être comblé par ça ! L'appartement de Deckard, les immeubles brillants, cette "pyramide" industrielle qui domine la ville qu'est le complexe de Tyrell industries, ou même l'immeuble abandonné ou vit l'intriguant J.F Sebastian...du caviar, de l'or !!! Un régal futuriste ! Et le pire, c'est que lors de ma première vision, ça ne m'avait pas plu du tout. Cette vision si sombre des villes futuriste m'avait assez déplu, c'était pas trop mon genre d'ambiance. C'est dorénavant tout le contraire. Il faut aussi noter que l'univers fascinant ou prend place le film aide beaucoup. Toutes ces histoires de conquête de l'espace, de Blade Runner et Répliquants...c'est juste génial. Ca, c'est du background ! Tout cela fait (la direction artistique, la vision du futur...) qu'une ambiance sombre et totalement unique est installée. Une ambiance superbe, qui ne serait pas sans la sublime musique de Vangelis. Alors là pareil, j'avoue avoir détesté lors de ma première vision. Aujourd'hui, je me rend compte qu'aucun thème musical de ce long-métrage n'est raté. La musique, qui a un côté futuriste (bien évidemment voulu) et "spirituel" (totalement en adéquation avec les nombreuses références bibliques qu'il contient) rend le long-métrage encore plus envoûtant qu'il ne l'est déjà. C'est juste une très très belle bo: envoûtante et difficilement oubliable. Adapté d'un roman du célèbre auteur de science-fiction Philip K. Dick (adapté de très nombreuses fois pour le meilleur comme pour le pire), "Blade Runner" dispose de concepts futuristes intéressants. Notamment les androides, "plus humains que l'humain". Rien de nouveau à première vue, c'est un thème de science-fiction utilisé de nombreuses fois au cinéma. Certes. Des questions, tels que "Jusqu'ou peut aller l'homme en créant l'intelligence artificielle" ?" reviennent, mais là ou "Blade Runner" se démarque, c'est dans le rapport qu'ont les androides avec la mort. Le personnage de Roy Batty (magistralement interprété par Rutger Hauer) sert très bien cette problématique. Et nous offre la plus belle scène du film, voir l'une des plus belles scènes du cinéma. Evidemment, je parle ici de la scène cultissime de
sa mort/spoiler]. Scène d'une tristesse et d'une poésie rarement égalée. Comment rester indifférent à ça: [spoiler]"Tous ces instants seront perdus dans le temps, comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir" ? Cette lucidité devant la mort qu'il a tant cherché à éviter
, c'est juste bouleversant ! Et dire que cette scène doit sa force à une improvisation de Rutger Hauer...c'est fou. Parler de cette scène permet une belle transition vers les acteurs. Le rôle principal est dévolu à un certain Harrison Ford, déjà au sommet de sa gloire. Il y est, sans surprise, hautement charismatique, et sait rendre son personnage attachant. Ce qui n'était pas chose aisé, tant le personnage de Rick Deckard a très peu de psychologie. J'irais même jusqu'à dire qu'il n'en a pas du tout. Cependant, ce n'est pas vraiment un défaut: le personnage est mystérieux, complexe et charismatique. Un certain mystère plane autour de lui, et ce n'est pas plus mal de ne pas trop en savoir sur lui. Sean Young interprète quand à elle Rachel, l'androide qui sera mêlé au destin de Deckard. Elle y est parfaite (tout comme Ford), et se montre totalement envoutante et mystérieuse dans son rôle. La scène
ou elle apprend qu'elle est un androide est très émouvante et bien joué
. Mis à part ces deux acteurs, il n'y a que Rutger Hauer (de loin le meilleur acteur du film) qui a un grand rôle. Il est clair que son personnage restera dans les mémoires. Les plus secondaires comme Daryl Hannah restent tous bons, mais n'ont pas un temps d'écran suffisant pour bien s'en rendre compte. Le scénario, qui peut sembler relativement classique et sans trop de rebondissements, est assez remarquable. Ce qui fait la réussite de ce scénario est l'évolution des personnages (ainsi que leur psychologie si on excepte Deckard): son personnage, froid, solitaire et mystérieux, est entrainé dans une mission qui va peu à peu lui faire perdre ses repères. La mission est totalement inhumaine, et les robots qu'il doit traquer paraissent presque, au contraire, de plus en plus humains. Pour appuyer cela, je pense surtout
à la scène ou Batty, qui pourrait enfin tuer Deckard, décide finalement de lui laisser la vie sauve sachant qu'il va mourir et qu'il n'aurait aucun intérêt à faire ça
. Mais l'autre détail qui fait tout, au delà de l'ambiguité remarquable des personnages (ainsi que du suspense incroyable), c'est surtout une autre ambiguité:
Deckard est-il oui ou non un répliquant
? C'est là ou l'écriture (et le film en lui-même) est très subtile: il n'y a que certains détails discrets qui peuvent faire douter comme bien évidemment
la vision de la licorne qu'à le personnage d'Harrrison Ford, ainsi que l'origami en forme de licorne posé par terre par l'agent. Ca nous laisse donc penser que l'agent a eu accès à la mémoire implantée dans Deckard.
Vu comme ça, ça semble très évident:
Deckard semble donc être un répliquant.
Mais c'est tellement fait de manière discrète et subtile...si le spectateur ne veut pas le croire ou ne l'a tout simplement pas remarqué, eh bien ça ne le gène pas dans sa vision et ne fausse rien au film. Les deux théories sont acceptables, au spectateur de se faire son idée ! Et ça...ben c'est bien. Pour conclure tout ça: oui, "Blade Runner" est un classique de la sf. Oui, il est à la hauteur de sa réputation. Oui, c'est une brillante et émouvante réflexion sur la part d'humain en nous. De Scott, j'hésite à dire si j'ai quand même préféré "Alien". En tous cas, c'est un très grand film, à la fois fascinant et singulièrement envoûtant. Si comme moi un premier visionnage vous a beaucoup décontenancé, tentez le coup une seconde fois. Soit vous resterez un marginal, soit vous serez enfin charmé. Dans tout les cas, rien que le monologue final de Rutger Hauer en justifie la vision.