Très très bon film SF sur l'IA et la robotique, un des meilleurs que j'ai vu (à classer avec l'Homme Bicentenaire et Blade Runner). Malgré une apparence de film blockbuster d'action (ce qu'il est aussi), ce film possède une vraie richesse intellectuelle pour qui est initié à l'IA et à ses problèmes philosophiques. La thèse et le parti-pris sont aussi très originaux, j'ai vu pas mal de films SF sur l'IA, d'animes et lu pas mal de livres SF sur le sujet pour en témoigner. On peut dire que ce film est en vérité une illustration de solutions proposées à divers problèmes de l'Intelligence Synthétique (voir l'article Wikipédia en anglais à ce sujet, c'est très intéressant).
Par exemple, un des problèmes traités est: comment peut-on faire la différence entre un robot qui ressent des émotions et a une conscience, et un robot qui n'en ressent pas mais qui le simule? Dans Chappie,
la solution proposée est déroutante et en même temps géniale: on n'en fait pas, car cela ne fait pas de différence. La parfaite illustration est la scène où Chappie se fait enlever dans le camion de Hugh Jackman (je ne me rappelle plus du nom de son perso), et menace de le mettre en morceau. Face à cette scène, je doute que qui que ce soit ne soit resté indifférent à la peur viscérale que démontrait Chappie, la peur de souffrir et de perdre sa vie, aussi synthétique soit-elle. Mais à aucun moment, pour la plupart des spectateurs, ne nous sommes-nous demandés: est-ce que ce robot ressent vraiment cette peur? Pourquoi ne pas s'être posé cette question? Car l'expression de cette émotion la fait exister, que ce soit une simulation ou pas (si tant est qu'une telle différence puisse réellement exister) importe peu: face à la peur de ce robot, il est impossible de rester indifférent. La thèse est donc clairement exprimée, illustrée et même démontrée: il importe peu de faire une différence entre expression simulée ou réelle, l'expression elle-même suffit à la faire exister: l'expression existe, et peu importe comment elle a été produite. (cette thèse est d'ailleurs en totale opposition avec un gros domaine de philosophie traitant des zombies philosophiques, et avec la thèse - très classique - défendue par Ex Machina et bien d'autres films avant...).
Que dire aussi de l'inversion des rôles comme conclusion finale? En effet, je crois que je n'avais jamais vu avant un film sur l'IA où le robot, conçu comme conscient par son créateur, retourne la situation en transférant la conscience de son créateur dans le corps d'un robot! Si le créateur a été l'inventeur de la singularité, la machine elle a été l'inventeur du transhumanisme, réconciliant ainsi les deux créateurs, l'homme et la machine, en les mettant sur un pied d'égalité. Franchement, chapeau pour ce dénouement, que je n'avais jamais vu ni lu auparavant!
Ces exemples - et il y a bien d'autres - montrent la subtilité et la profondeur des réflexions qui sont vraiment au coeur du film. Car il y a tellement de réferences judicieuses à des thèses et des problèmes de l'IA, tout au long du film, avec des termes ou des scènes très bien choisies (vraiment on peut dire que c'est des illustrations qu'on peut utiliser comme cas d'écoles), qu'on ne peut douter de l'intention des scénaristes et des réalisateurs à vouloir traiter ces problématiques. Ce n'est donc certainement pas un hasard, et je félicite donc l'équipe qui a mené ce projet, et qui a aboutit à l'un des meilleurs films SF sur l'IA qu'il n'y ait jamais eu. Bravo.