Avec le succès de l’inattendu et surprenant District 9, il fallait bien se douter qu’Hollywood allait aussitôt s’intéresser à un réalisateur talentueux tel que Neill Blomkamp, lui faisant du pied pour produire ses futurs projets en espérant que ces derniers aient un minimum d’intérêt lucratif. Mauvaise pioche avec son premier blockbuster, Elysium, film d’action SF efficace mais assez maladroit qui a fait croire au monde entier que le cinéaste était passé du côté obscur des grands studios. Chappie, son nouveau film, est l’occasion pour lui de montrer qu’il n’est pas ce genre de metteur en scène à abandonner son savoir-faire au service des producteurs.
Dès l’annonce du projet, cela se sentait que Neill Blomkamp voulait que Chappie fasse écho à District 9 (et à son succès ?), à tel point qu’il adapte ici avec l’aide de son épouse Terri Tatchell au scénario un autre de ses courts-métrages, son tout premier (Tetra Vaal), tout en faisant démarrer son nouveau-né de la même manière, à savoir un montage d’interviews et de séquences à l’allure de reportages de JT. Sauf que cette fois-ci, ce n’est pas pour parler d’extra-terrestres immigrés et maltraités mais plutôt d’un univers semblable à RoboCop : un futur pas si lointain dans lequel une ville jugée dangereuse (Johannesburg, encore une fois) se retrouve sécurisée par des robots servant la cause de la police. Une nouvelle « variation » aussi violente du long-métrage de Paul Verhoeven qui, visuellement, continue sur la lancée de District 9 et Elysium en présentant un univers cyber punk proche de Deux Ex mais réaliste et ghettoïsé, qui pioche quelques idées de concept design dans les franchises de RoboCop justement (l’Orignal fait penser à l’ED-209) et du jeu vidéo Halo. À la différence qu’ici, ce n’est pas un homme qui se retrouve robotisé mais une intelligence artificielle qui va s’humaniser.
Même s’il reprend les éternelles thématiques de l’obsession de l’homme pour la technologie et le pouvoir ainsi que les différences sociales, donnant ainsi l’impression au spectateur de se promener en terrain connu, Chappie possède néanmoins un atout de charme qui va faire toute la différence : son personnage éponyme. Une boîte de métal interprété via la motion capture par Sharlto Copley, le comédien fétiche de Blomkamp depuis son court-métrage Alive in Joburg, qui possède un charme fou. D’une part pour son aspect visuel très réussi alliant de très bon effets spéciaux et la gestuelle imposante du comédien, qui fait de l’ombre et ses complices de chair et de sang, notamment à des acteurs tels que Sigourney Weaver et Hugh Jackman. De l’autre, le protagoniste Chappie est servi par une écriture de qualité, qui le rend incroyablement attachant et irrésistible par le biais de son côté enfantin et des séquences poétiques et touchantes au possible (sa rencontre avec un chien, sa joie d’avoir un livre, sa découverte de la peinture…) sans oublier quelques passages drôles (quand il essaye d’avoir une allure de « gangsta »). Un héros digne d’un conte de fées, symbole de l’enfant devant trouver sa place dans ce monde violent qu’est le nôtre et qui ne peut que réussir en faisant ce qu’il désire (survivre, exprimer sa créativité) plutôt que ce qu’on lui dit ou impose (jouer les criminels).
Vous l’aurez compris : Chappie est le pilier de ce long-métrage, à tel point que le personnage arrive à effacer les quelques défauts du film. Comme des séquences d’action certes mieux maîtrisées que dans Elysium, notamment via une caméra plus stable (ne vibrant pas dans tous les sens) et un abus de ralentis moins excessif, mais qui donnent l’impression de ne pas avoir de raison d’être si ce n’est de justifier le budget (115 millions de dollars) et le statut de blockbuster du film. Efficaces et palpitantes en adéquation avec l’ambiance violente du film, elles n’apportent pourtant pas grand-chose au récit si ce n’est une dernière demi-heure un chouïa décousue qui traîne la patte pour aboutir à une ouverture thématique sortie de nulle part mais néanmoins intéressante (qui ne sera pas révélée dans cette critique). Un constat qui gâche un peu l’excellente impression laissée par ce Chappie, ne lui permettant pas d’arriver à la cheville de District 9.
Mieux écrit et maîtrisé qu’Elysium, Chappie se présente au public comme un divertissement diablement attachant et qui ne soit pas vide de sens malgré un aspect blockbuster dispensable. Avec ce nouveau long-métrage, le réalisateur Neill Blomkamp rassure ceux qui suivent sa carrière depuis District 9 et qui pensaient l’avoir perdu avec son action movie maladroit où Matt Damon errait en mode badass. De quoi donner une fière allure, certes prématurée mais certaine, à son nouveau projet, le tant attendu Alien 5, que beaucoup attendent avec impatience !