Le nouveau film de Michel Gondry est magique. C'est une ode à la jeunesse sans complaisance, sans idéalisation, juste et passionant. Gondry nous fait monter dans son bus au début de son oeuvre. On y restera bloqué quasiment tout le temps, jusqu'à la fin où le voyage iniatique se termine. On est bloqué avec ces lycéens, pas d'échappatoire possible, contrairement aux ados qui descendent progressivement du transport.
Dedans c'est la jungle, on pouvait s'en douter. Meilleur moyen de survivre, se montrer aussi dur que les autres. Ce n'est plus des individualités que filme alors Gondry, c'est des troupeaux de carnivores qui sont prêts à se jeter sur la première proie, pas par méchanceté mais par instinct de survie. Cette fougue de chaque instant est parfaitement retranscrite par la caméra de Gondry qui parvient, et c'est absolument génial, à proposer son univers même dans ce bus du Bronx.
C'est tour à tour drôle, énervant, exaspérant, déprimant, désespérant. Mais Gondry ne cherche pas ici à complaire son spectateur. Il n'est pas là pour faire un film d'aigri non plus. Pas question de montrer la jeunesse comme une bande d'idiots irrespectueux qui ne comprennent rien. Non, c'est un regard beaucoup plus doux qu'il pose, sans idéalisation aucune.
Lorsqu'il est temps de passer à filmer chaque individu, le film devient merveilleux. Cette fois-ci, la caméra de Gondry s'attarde sur les visages, se pose un peu. L'effervescence première a progressivement disparu, ils ne sont plus que quelques uns dans le bus. On peut s'intéresser à eux, ils ne sont plus "des lycéens", ils sont des individus complètement différents. Mais leur autre visage, celui "de groupe" fait également parti de leur individualité. Gondry le sait, il ne cherche pas à dire qu'en fait quand ils sont seuls ils sont parfaits, non, ce n'est pas ça. Cette dernière partie est vraiment magnifique, ce temps de calme qui suit la tempête, la bataille. On voit ces jeunes comme des êtres fragiles, en pleine construction, ridicules mais émouvants à la fois, avec leur propre problème. Sous la caméra de Gondry ils semblent touchés par la grâce.
Depuis combien de temps, Michel Gondry n'avait pas lui, était touché par la grâce ? En tout cas, avec The We and The I, il signe son meilleur film depuis bien longtemps. Ou peut-être son meilleur film tout simplement.