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Quand j'utilise le terme « pauvre » c'est un p'tit peu à tous les points de vue. Ceux qui ont vu Les lois de l'attraction retrouveront une patte plus ou moins identique, un mélange entre l'absurde, le drame, et l'esthétique de drogué. Mais ils trouveront aussi le temps beaucoup plus long. Je préfère être franc d'entrée, pour ne pas décevoir au fil de ma critique : The We and the I n'est pas le chef-d'œuvre attendu. Il n'est pas non plus un film coup de poing ou une peinture réaliste de notre « pauvre » jeunesse.
La chose la plus intéressante dans le travail de Michel Gondry est son concept. Suivre une classe de terminale lors de son dernier trajet en bus ensemble, je sais pas, ça possède des qualités qui font mouche. Le bus devient pas seulement un moyen de transport mais aussi une période à elle seule. Une période de transition où tout ce qui s'est passé au lycée s'évacue pour laisser place au futur. En fait, prendre ce bus avec tous ces gosses c'est comme les voir tirer la chasse de toutes leurs emmerdes le jour de leur déménagement.
Ça a quelque chose de drôle, de touchant et d'inquiétant aussi. Mais il est difficile de nier que l'écoulement de la journée, du bus qui se vide, des histoires qui s'entrelacent et se déchirent, ne happent pas le spectateur dans cet univers, aussi furtif et imprécis soit-il. Quand je dis imprécis, ce n'est pas une mauvaise chose, au contraire. Cette imprécision vient du fait qu'on arrive à la fin du film en quelque sorte. On découvre les personnages mais eux se connaissent déjà par cœur, on apprend leurs histoires mais elles touchent à leurs fins. Du coup, notre place tardive dans le bus, en passager invisible, aurait pu être gênante, comme si l'on était avec des inconnus dont on se foutrait éperdument. Cependant ce n'est pas le cas, on s'intéresse vraiment aux personnages et à leurs problèmes (des plus futiles aux plus sérieux).
Le regard n'est pas moralisateur, en tout cas je n'ai pas eu cette impression ; je ne suis pas sortis de ma salle en me disant « quelle vie de merde ». Non le regard essaie d'être plus ou moins honnête (il n'y arrive pas toujours) ; en étant tantôt amusé (malgré quelques blagues redondantes et chiantes) et tantôt attendri (heureusement on exagère pas trop le côté émotionnel du film ; un peu beaucoup, mais pas trop). Autre chose que j'apprécie, c'est qu'il n'y a pas de virage à 180°. Ne vous attendez pas à voir les déconneurs devenir des anges et les pétasses des saintes-nitouches. Une salope reste une salope, don't worry about it.
Bon, maintenant que j'ai dit ce que j'aimais bien, venons-en à ce qui m'a le plus dérangé. Déjà, l'humour, en tout cas celui des blaireaux du fond du bus, est parfois assez ennuyeux. Ils sont sympas avec leurs délires à la con mais on en a un peu marre à quelques moments, rien de trop grave, mais c'est à prendre en compte. Ensuite il y a une tendance à vouloir utiliser une esthétique « djeuns » qui m'a agacé par moment. Les vidéo-clips en mode youtube, le jeu sur l'arrière plan, les répétitions, tout ça ça a un côté très Ellisien mais ça ne m'a pas toujours convaincu. Alors oui parfois c'était plutôt sympa (le coup de la pizzeria par exemple), d'autre fois beaucoup moins (sérieux j'en avais ma claque de voir le type tomber dans sa cuisine).
Et enfin, le plus gros problème du film, il ne marque pas vraiment les esprits. Quand je l'ai terminé j'ai d'abord été plutôt déçu, puis ensuite je me suis dis que c'était pas si mal ; puis j'y ai repensé une troisième fois et j'en ai conclu que d'ici un an je ne me souviendrai même pas avoir vu ce film dans ma vie. Il essaie d'être percutant, d'avoir du punch, mais je trouve ça un peu raté, pas complètement, mais le « un peu » est déjà de trop.
Après les acteurs sont cools, leurs histoires ne sont pas trop exagérées et on se sent à la fois bien et mal à l'aise dans ce bus. Bref, c'est pas mal comme truc. À la place d'être à Camden on est dans le Bronx, pourquoi pas. Mais n'est pas Avary qui veut donc je préfère encore camper les bancs de Camden. Le film m'a au moins rappelé la sortie pour 2013 de Glamorama et c'est un bon point. L'autre bon point c'est qu'il offre quand même quelque chose de différent, en terme de « teen movie » (il l'est, même s'il plaira à beaucoup de personnes âgées). Le troisième bon point c'est qu'il y a des plans sublimes de l'extérieur du bus (notamment la nuit, ce qui retranscrit bien cette sensation de transition, et d'acceptation ou d'abandon). Le quatrième bon point c'est que le casting respecte la logique de surpoids aux US. Le cinquième bon point c'est qu'on a l'impression de connaître les personnages, comme si à la place d'avoir vu un film on venait de voir une série de huit saisons. Le sixième bon point c'est que Lady Chen est une vraie beauté.