Il y a quelque chose de très décevant dans the We and the I : son titre. Il rabaisse l'œuvre à une séparation de deux concepts vaguement psychologiques, la détruisant avant même de pouvoir juger - alors qu'il s'agit avant tout d'une co-existence, qu'on préfèrerait ne pas voir exprimée. C'est encore plus exaspérant quand, dans la salle de cinéma, on prend conscience que le film prend le relai de la littérature, et que the We and the I s'inscrit dans une prolongation des œuvres des plus grands écrivains - à une échelle moindre, c'est évident, puisque nous ne suivons qu'un instant de vies : un trajet de bus ; le bus comme lieu du reflet des comportements humains, comportements insaisissables, volatiles, éphémères, lunatiques et durs. Ce sont avant tout des corps et des âmes qui réagissent au quart de tour, pour leur survie ; pour se protéger. Puis les arrêts s'enchaînent, et la violence est toujours présente, mais elle passe sur des plans différents : les combats ne sont pas tous extérieurs, les efforts faits sur soi par certains personnages transpercent soudainement l'écran. Même si on reste véritablement cloîtré dans le bus, comme si nous en occupions un siège, notre questionnement ne vacille pas un seul moment. Avec un titre aussi pathétique et quelques détails incongrus qui s'immiscent dans la scène, on se dit que Michel Gondry n'a pas entièrement saisi la portée considérable que son film allait prendre. Mais c'est finalement sûrement cela qui fait qu'il est réussi et qu'il faut absolument aller le voir : l'œuvre existe par elle-même, tend à s'universaliser en faisant complètement oublier son auteur, en s'immergeant complètement dans la complexité des systèmes de l'humain (pour ne pas dire freudiens) dans ce microcosme moderne qu'est le bus - même si on en changerait quand même bien le titre ...