Jacques Audiard, maître du drame social, nous offre avec "De rouille et d'os" une œuvre à la fois poignante et imparfaite, portée par des performances saisissantes de Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts. Adapté du recueil de nouvelles de Craig Davidson, le film s'aventure dans les méandres de la souffrance et de la rédemption avec une intensité brute, mais non sans quelques failles.
Une performance d'acteurs remarquable
L'un des points forts indéniables du film réside dans l'interprétation magistrale de ses deux protagonistes. Marion Cotillard incarne Stéphanie, une dresseuse d'orques dont la vie bascule après un accident terrible qui la laisse amputée des deux jambes. Cotillard parvient à exprimer une gamme d'émotions avec une subtilité déconcertante, allant de la désespérance la plus profonde à une résilience lumineuse. Matthias Schoenaerts, dans le rôle d'Ali, un jeune marginal au passé trouble, impose sa présence physique et son charisme brut, rendant son personnage à la fois vulnérable et terrifiant.
Une réalisation immersive mais inégale
Jacques Audiard déploie une mise en scène immersive, capturant les moments de grâce et de violence avec une caméra à l'épaule qui suit de près les mouvements et les émotions des personnages. La photographie de Stéphane Fontaine enveloppe les scènes d'une lumière naturelle qui accentue le réalisme de l'œuvre. Cependant, la narration manque parfois de fluidité, alternant entre des séquences captivantes et d'autres qui semblent tirer en longueur, affaiblissant ainsi l'impact émotionnel global.
Des thèmes puissants mais parfois maladroitement exploités
Le film aborde des thèmes puissants tels que le handicap, la marginalité, et la lutte pour la survie. Ces sujets sont traités avec une certaine profondeur, mais Audiard semble parfois hésiter entre la tendresse et la brutalité, créant un contraste qui peut déstabiliser. La relation entre Stéphanie et Ali évolue de manière organique, mais certains aspects de leur dynamique apparaissent forcés, notamment dans les scènes de combats clandestins, qui bien que symboliques, semblent déconnectées du reste du récit.
Une bande sonore immersive mais inconstante
La musique d'Alexandre Desplat, bien que belle, ne parvient pas toujours à s'harmoniser avec les images à l'écran. Certaines scènes sont magnifiées par une bande sonore poignante, tandis que d'autres, surchargées par des choix musicaux trop présents, perdent de leur impact. L'utilisation de morceaux populaires dans les scènes de boîte de nuit ou de combats clandestins, bien que justifiée, semble parfois trop envahissante, perturbant l'immersion du spectateur.
Conclusion : une œuvre marquante mais perfectible
"De rouille et d'os" est un film qui mérite d'être vu pour la puissance de ses interprétations et la beauté de certaines de ses scènes. Jacques Audiard réussit à capturer la complexité des émotions humaines dans un cadre social réaliste, mais l'inégalité de la narration et certaines décisions stylistiques atténuent l'impact global de l'œuvre. C'est une plongée intense dans la brutalité de la vie et la capacité de résilience, une œuvre qui touche mais qui aurait pu être encore plus marquante avec une exécution plus cohérente.