Dans le monde cinématographique foisonnant de Nicolas Winding Refn, "Only God Forgives" apparaît comme une énigme enveloppée d'une esthétique somptueuse et d'une atmosphère étouffante. Tourné dans les entrailles luminescentes de Bangkok, ce film est une épopée visuelle qui plonge le spectateur dans une contemplation profonde, tout en le laissant perplexe face à une narration qui flirte avec l'abstraction.
L'univers de Refn est connu pour sa brutalité esthétisée et "Only God Forgives" ne déroge pas à la règle. La photographie de Larry Smith est un tableau vivant, chaque cadre est une œuvre d'art, où les ombres jouent avec la lumière pour révéler une Bangkok à la fois séduisante et sinistre. La musique de Cliff Martinez, à la fois envoûtante et inquiétante, enveloppe le récit d'une aura presque mythologique, renforçant l'immersion dans ce labyrinthe émotionnel.
Cependant, ce voyage sensoriel est parfois desservi par une narration elliptique et des personnages énigmatiques à l'extrême. Ryan Gosling, en Julian, livre une performance minimaliste qui, bien que magnétique, laisse parfois le spectateur en quête de substance émotionnelle plus concrète. Kristin Scott Thomas, en matriarche vengeresse, offre une prestation marquante mais qui confine au grotesque, flirtant avec les limites du caricatural.
"Only God Forgives" s'apparente à un opéra de la violence, où la rédemption et la damnation se côtoient dans une danse macabre. La mise en scène de Refn, bien que maîtrisée, oscille entre le génie visuel et une certaine indulgence stylistique qui peut laisser le spectateur désorienté, voire aliéné. Le film, pour tout son éclat visuel et son audace formelle, manque par moments d'une ligne narrative cohérente, se perdant dans sa propre contemplation.
L'affrontement entre Julian et Chang, le policier devenu ange vengeur, est un moment cinématographique de haute volée, mais qui, dans le contexte élargi du film, semble manquer de fondation narrative pour en faire un climax pleinement satisfaisant. Cette confrontation, bien qu'esthétiquement impressionnante, illustre la tendance du film à privilégier le style sur la substance.
En somme, "Only God Forgives" est une expérience cinématographique qui défie les conventions, un voyage à travers les ombres et les lumières de l'âme humaine, magnifiquement réalisé mais entravé par ses propres excès. Ce n'est ni un triomphe absolu ni un échec, mais une œuvre d'art complexe qui résonnera différemment selon le spectateur. Dans cet équilibre précaire entre le génie et l'excès, "Only God Forgives" trouve sa place, une œuvre qui fascine autant qu'elle divise, un reflet de la dualité intrinsèque au cœur du cinéma de Refn.