Hier soir, à la sortie du boulot, un petit cinéma pour se détendre, pour sortir. Je suis allée voir The congress en ne sachant absolument rien à son sujet. Rien d'autre que l'affiche. Mais rien que le fait qu'il s'agisse d'un film d'animation avait piqué ma curiosité. Il s'agit en fait d'une actrice en déroute qui se fait numériser (qui vend son image pour que des réalisateurs l'utilisent sans avoir besoin d'un tournage). Devenue symbole de cette démarche vers la numérisation elle est invitée à un congrès dans une zone où le monde est en dessin animé.
Si je devais le qualifier très simplement, je dirais "un film d'hypersensible", c'est la première notion qui me vient à l'esprit. J'ai envie de commencer par les rares défauts du film pour pouvoir mieux me concentrer sur tous les aspects magnifiques qu'il contient. Tout simplement, il fait partie de ces films qui se veulent intelligents et qui le montrent avec une réflexion sur le cinéma qui bien que très vraie est énoncée de manière redondante et très théâtrale. Ce qui fait que le film est assez lent à démarrer... Cependant, la vision qu'il donne des acteurs comme des images sans âme à qui on peut faire dire ou faire n'importe quoi, comme des pantins ou des esclaves est assez réaliste et accuse un monde où la production se permet de faire n'importe quoi des acteurs.
Sauf que toute cette partie lente est truffée de détails que l'on croit tout à fait anodins mais qui trouvent leur raison au fur et à mesure de cette aventure. Et cette première partie est filmée (ce qui m'a donc surpris dès la première seconde). On aperçoit déjà un univers particulier, coloré, excentrique, hors norme, qui va l'être à la puissance mille lors de son passage au dessin animé, qui se fait de manière violente, à la manière d'un bad trip. Mais on reste encore dans la partie filmée, car l'un des acteurs m'a tout simplement bluffée, il s'agit donc de l'agent de cette actrice, personnage principal du film, qui, à chaque fois qu'il parle, a une véritable présence. De plus, toutes ses répliques sont à la fois pleines de vérité et de sentiments à la fois. Un vrai coup de coeur pour cette scène où il raconte sa vie et sa rencontre à l'actrice, pour l'aider à passer l'épreuve de se faire scanner. Un très beau moment, autant visuellement, dans un décor futuriste et angoissant que dans les mots de ce vieil homme qui témoigne son amour et sa lutte pour une actrice qu'il a suivie lors de tout son parcours.
Car les relations sont véritablement ce qu'il y a de plus important. Elle et son agent, mais surtout elle et son fils, car c'est bel et bien lui qu'elle veut retrouver suite à ce congrès qui a mal tourné.
Le dessin animé permet de se déroger à toutes les règles de la physique, de la perspectives, des codes, etc... Car il a une esthétique bien particulière, bien à lui, qui peut parfois évoquer le Paprika de Satoshi Kon dans son délire psychédélique que les vieux cartoons : c'est un monde diversifié, empli de détails qu'on voudrait tous pouvoir contempler, mais on a que deux yeux et 25 images par secondes. L'animation est splendide, fluide, et les décors à couper le souffle (cette vision de New York est vraiment bluffante, constamment en mouvement, en train de pousser telle une plante et peuplée d'êtres difformes). On retrouve encore cette critique du cinéma par quelques caricatures comme celle de Steeve Jobs qui ici est un homme présentant la révolution d'un produit chimique qui permet de devenir qui on veut. Ou encore Tom Cruise, acteur à la tronche ultra clichée, aux dents plus blanches que blanches et qui aide les gens de l'unicef. On voit aussi Clint Eastwood, Elvis, Jackson, etc, toutes ces personnalités à qui des tonnes de gens ont voulu ressembler à un moment où à un autre. Mais ils sont à la fois perdus et intégrés dans ce monde qui n'a ni queue ni tête. Un lieu qui permet toutes les folies visuelles possibles mais pour autant très belles.
Et il se lie à un scénario assez dingue et assez badant. Car oui, on nous présente un monde où tout d'abord les acteurs sont numérisés et ne jouent plus jamais de leur vie au risque de se faire arrêter, car la compagnie dispose de leur droit d'image. Ensuite, on rentre de plus en plus loin dans le cauchemar où on présente cette drogue qui permet aux gens de devenir ce qu'ils veulent, de prendre l'apparence d'acteurs, de chanteurs, de personnes qu'ils idolâtrent. Et on suit tout à fait le raisonnement de cette femme qui leur crie de se réveiller. Elle qui perd son fils qu'une médecine sans moyens ne peut sauver. On a la réminiscence de cette perdition de son corps de son image, lorsqu'elle demande à ses hallucinations de lui tirer une balle dans la tête. Des images très fortes, des rappels de ce qu'on a vu en film mais qui ont beaucoup plus d'impact en dessin animé. Voir un homme l'enfoncer dans de l'azote liquide, en la regardant dans les yeux devenir glace, figée. De voir cette compagnie de films qui ne cherche qu'à l'abattre. Le film regorge d'images choc et qui ont un réel but et impact dans le film, l'image ne se suffit pas à elle même, et ça, c'est génial. Tout à une raison, jusqu'à mener à un retournement de situation qui nous plombe tout espoir de reddition de ce monde fou. Rester dans l'hallucination, dans la beauté du dessin animé, ou découvrir la vérité qui se cache derrière ces belles images, ces faux egos. Et elle est une fois de plus guidée, menée par un personnages salvateur, amoureux qui a consacré sa vie à elle. Et c'est aussi lui qui nous guide, qui nous aide à y voir clair, à comprendre ce monde
On a la prouesse d'avoir deux fois la même histoire mais contée de manière différente, dans un monde débordant d'imagination. C'est vraiment une grosse claque, un gros "WOW", quand le générique de fin arrive parce qu'on en revient pas d'avoir "vu" tout ça, d'avoir ressenti tout ça devant un film. Certes peu accessible, parfois trop complexe, parfois trop emmêlé mais magnifique. Il vaut plus que le détour, il faut aller le voir.
Pour ce voyage intérieur et sensoriel qu'il représente. Un chef d'oeuvre, tant par son identité visuelle que son histoire.