Divisé en deux parties, l'une en prises de vues réelles, l'autre en animation, cette libre adaptation du Congrès de futurologie, de Stanislaw Lem, est indéniablement originale. La première partie est même très intéressante dans sa dimension de métacinéma. Rarement le cinéma, comme concept et comme pratique, a ainsi fait l'objet d'un traitement de science-fiction. Ari Folman nourrit une réflexion sur l'évolution technologique du septième art, évolution potentiellement déshumanisante, qui verrait la disparition des acteurs, notamment, au profit d'avatars numérisés, malléables à l'envi. Le réalisateur israélien imagine un art avec des ordinateurs pour seuls relais de l'imagination ou plutôt d'impératifs commerciaux. Tendance liberticide et fossoyeuse d'émotions. Folman en profite au passage pour brosser un tableau cynique de l'industrie hollywoodienne via le personnage de Jeff, un ponte de la Miramount (mix de Miramax et de Paramount). Plus ambigu est le personnage de Robin Wright, interprété par Robin Wright elle-même. Son portrait est à la fois compatissant et cruel, car tout empreint d'éléments autobiographiques. Dans un rôle vaguement masochiste, donc, l'actrice représente la fin d'une génération d'acteurs dont la fragilité, les caprices, la soumission aux aléas de la vie, constituent autant de risques pour la réalisation des films, leur rentabilité, et l'enrichissement des majors. D'où l'idée de ces "doubles" capables de faire ce que les stars ne veulent ou ne peuvent pas faire.
Malheureusement, cette fiction enterrant un star-system en chair et en os, et consacrant les dérives plus ou moins fascisantes d'une industrie toute puissante, ne tient pas ses promesses. Avec le passage à l'animation, les enjeux dramatiques se brouillent peu à peu et l'intrigue finit par se noyer dans la confusion d'un trip psychédélique entre réalité et virtualité fantasmée. Folman avait réuni tous les éléments pour un grand film de SF autour du cinéma, mais il s'est perdu en route, accouchant finalement d'un résultat très frustrant. Quel dommage...