Un pur chef d'oeuvre.
Je n'étais pas là à la sortie du film (excusez, mais j'avais -9 ans, étant né en 1982), mais je sais bien à quel point il a été conspuré, hué, villipendé, vomi, critiqué, conchié, etc, etc, par toute la presse, par l'intelligentsia du cinéma, et que ce fut un véritable scandale en 1973, à Cannes et partout ailleurs. Un film dans lequel des mecs qui ont réussi leurs vies rotent, pètent, bouffent sans arrêt
avec comme but ultime d'en mourir
, se tapent des prostituées, et dans lequel les mecs sont interprétés par Noiret, Mastroianni, Piccoli et Tognazzi (leurs personnages portent leurs prénoms, histoire d'identifier un peu plus les acteurs à leurs rôles), on comprend que ça ait pu choquer.
Le film est sordide, mais aussi terriblement drôle. C'est une comédie, à la base, une satire de notre société, et Ferreri tape juste et fort, c'est cinglant.
De scandale à sa sortie, le film est devenu culte, et on en parle désormais comme d'un sommet, certains journalistes l'ayant défoncé à sa sortie et qui sont encore dans le milieu et en activité en parlent peut-être, de nos jours, assez différemment. Certaines scènes
(Piccoli qui tabasse les touches du piano pour couvrir ses pets retentissants et qui, juste après, n'en pouvant plus, s'effondre, et meurt en se vidant, belle flaque marron sous le pantalon ; ou Tognazzi qui s'évertue à finir son immense et imbouffable, car trop riche et chargé, gâteau fourre-tout et en meurt d'étouffement et d'indigestion, la bouche remplie)
sont inoubliables et restent assez choquantes.
Ce qui est le plus choquant, évidemment, c'est que de la vraie nourriture a été utilisée (comment faire autrement ?) et ce que ce n'était pas de la bouffe daubesque made in Lidl, mais de la nourriture de classe venue directement de chez Fauchon, et que la chaleur des projecteurs du plateau faisait tourner assez rapidement. Un gâchis véritable de bouffe en ces temps de Concert for Bangladesh (c'était deux ans plus tôt) et de famines au tiers-monde.
Comment, en revanche, ne pas y voir une formidable critique de notre société ? Comme Noiret l'a dit à l'époque, ne pas comprendre cet aspect du film est "révélateur d'une immense connerie" de la part de ceux qui sont tombés sur le film à boulets rouges.