"Drive" : un titre qui sonne bien. Un titre qui sonne la conduite. Un titre qui sent le film d’action à plein nez. En résumé, ça fleure bon le gros blockbuster. Oui ben les amateurs de ce type de production risquent d’être un peu déçus. Car en réalité, "Drive" se situe à mi-chemin entre le blockbuster et le cinéma du genre indépendant, voire d’art et essai. La bande-annonce laissait pourtant entrevoir un film à la "Fast and furious" : un gars mécanicien met à disposition ses talents de pilote pour des petits boulots en tant que chauffeur. Et en plus elle promet du rythme à vous scotcher au siège. Il faut se rendre à l’évidence : la bande-annonce est très trompeuse ! Premièrement parce que les phases de conduite ne sont finalement pas aussi nombreuses que ça. Les scènes d’action sont très bien faites, millimétrées tant dans leur exécution que dans les prises de vue. Elles sont parfaitement lisibles, si lisibles qu’on en voudrait davantage. Deuxièmement parce que le haut rythme promis laisse la place à une atmosphère lourde où les dialogues sont remplacés par les regards et les silences. Oui, "Drive" se révèle peu bavard, faisant de ce driver un homme immensément mystérieux. Ce n’est pas seulement cette rareté de dialogues qui donne à ce personnage cet aspect on ne peut plus flou. C’est aussi le jeu d’acteur de Ryan Gosling : il donne une force à son personnage, c’est hallucinant. Mais une force pas apparente aux yeux de ses interlocuteurs. Le spectateur pourra le mesurer dans la scène où un ancien client l’aborde dans un café. Une force qui lui inspire un inébranlable calme, quelle que soit la circonstance. Mais c’est aussi la qualité de la mise en scène, l’esthétique visuelle (qui rend par ailleurs le film très photogénique), et l’atmosphère aux tendances hypnotiques. Un grand soin a été apporté au jeu de lumières. Cela a le don de peaufiner l’esthétique visuelle. En fait, tous les aspects techniques sont indissociables les uns des autres. Il suffirait que l’un d’entre eux fût de moindre qualité, et il y a fort à parier que "Drive" n’aurait pas le même goût et la renommée qu’il a aujourd’hui. C’est simple, j’en mettrais ma main à couper ! Euuuh quoique tout bien réfléchi, finalement je n’en mettrai pas ma main à couper, sinon comment pourrai-je continuer à rédiger des critiques ? Et puis ooooh, ça fait mal !! Enfin voilà : c’est un tout, jusqu’à la direction des acteurs qui ont bien saisi l’étrange direction prise par le réalisateur danois Nicolas Winding Refn dans le style. Leur interprétation est pour la plupart sans faille. Seul Ron Perlman dénote plus ou moins avec son personnage disons… moins en retenue. Si on je devais être mauvaise langue, je dirai que c’est tout juste s’il ne lui manque pas le nez rouge. Mais non, je ne le dirai pas. Bryan Cranston réussit à rendre attachant ce pauvre bougre de Shannon, Albert Brooks donne une stature aussi impressionnante qu’inquiétante à Bernie Rose. Ces deux-là forment un duo de malfaiteurs plutôt intimidants à qui il est difficile de dire non. Et puis que dire de Carey Mulligan ? Aaah lala ! Dès ses premières apparitions à l’écran, Irene emporte toute la sympathie du public. Il ressort de son personnage un savoureux cocktail de fragilité, de sensibilité, de douceur et de gentillesse, auquel il est impossible de ne pas être insensible. Avec sa psychologie à fleur de peau qui fait d’elle une proie facile, on ne saurait résister tout comme son voisin à l’approcher, faire sa connaissance et s’occuper d’elle, sans compter qu’elle illumine à elle seule tout le film. Tant et si bien que plusieurs jours après avoir vu ce film, on a l’impression de n’avoir vu qu’elle. Evidemment on se souvient du solide Ryan Gosling, mais il y a aussi un petit rôle que je n’oublie pas : celui de Blanche, tenu par Christina Hendricks. L’actrice donne une présence énorme à son personnage dès les premiers instants sans même prononcer le moindre mot. Je trouve presque dommage qu’elle n’ait pas été davantage exploitée, quitte à prendre le risque à ce qu’elle vole la vedette à Ryan Gosling. Indéniablement, "Drive" a beaucoup de qualités. Il n’y a guère que les ralentis qui me dérangent. Parce que plus on approche de la fin, plus ils sont nombreux. J’accorde le fait que ça apporte du style, que c’est une façon de dire que le ou les personnage(s) sont hors du temps, dans leur bulle. Mais il y en a trop à mon goût. Oui je suis déçu par rapport à la déferlante de bonnes critiques vis-à-vis de ce film. Le style ne me convient guère, question de goût et de couleur. Mais ça me confirme bien une chose : c’est que j’ai beaucoup de mal avec les films primés à Cannes (prix de la mise en scène, et je dois admettre qu'il n’a pas été volé). Mais voilà, j’ai tout de même appris une chose : c’est qu’il ne faut pas contrarier un gars qui porte un blouson avec un scorpion incrusté dans le dos…