L’anti-Parrain absolu. Mais on est loin aussi de « Naples au baiser de feu », on ne vit jamais image aussi moche. Même le ciel est toujours gris, sale, plombé. Pas de palais décrépits, mais des HLM géants au-delà du sordide. La campagne, quelle campagne ? la désolation. Pas d’élégants capos, mais de gros lards en marcel /short de sport. Les payeurs ont des allures de petits fonctionnaires de catégorie C. Les ados n’ont qu’un idéal : des armes, tuer, boum-boum, faire du fric. Des décérébrés totaux. Des abrutis d’anthologie. Les enfants sont recrutés à l’école élémentaire. En choisissant de trahir la bande officielle du quartier pour une autre, ils mettent leur famille en danger. Trafic de drogue, trafics de traitement d’ordures (et de déchet toxiques en particulier), -voilà qui nous renvoie à l’actualité immédiate.
Au cours des dix premières minutes, on ne voit pas grand-chose d’autre que des biffetons –des liasses qui passent de mains anonymes en mains anonymes, que des mains anonymes épèlent…
Le reproche qu’on peut faire au film –et ce n’est pas un si mince reproche- c’est son manque de lisibilité. On se perd entre les différents personnages. Entre les trois différentes intrigues qui s’entrelacent, y a-t-il un lien ? Y a-t-il quelque chose qui les relie ? L’austérité, c’est le choix de Matteo Garrone. Pourtant, le film n’aurait pas forcément perdu à être un poil moins didactique –à s’écarter un rien du fait brut, pour draguer sans doute un public moins serré ? Car c’est un constat impressionnant, qui nous met en face d’une réalité, à deux pas de nos frontières. On ne pourra pas dire : on ne savait pas !