D'emblée je tiens à préciser qu'on peut à la fois aimer les films-opéras flamboyants de Scorsese et Coppola, et le réalisme quasi documentaire de Gomorra. Le cinéma peut endosser diverses formes, toutes aussi valables, et la guéguerre entre les deux styles que semblent se mener les spectateurs d'allociné me parait superflue. Gomorra malmène le mythe des Corleone et autres Montana, malfrats romantiques et fantasmés, presque glorifiés. Il nous montre la mafia comme elle est vraiment, un monstre qui appauvri la population -parfois main dans la main avec l'état- avillit de jeunes pousses influençables, pourrit l'environnement (via une de ses spécialité: le traitement et l'enfouissement sauvage des déchets) ; et ce regard nouveau, sans empathie aucune, justifie à lui seul le film, et font de Gomorra une oeuvre importante. La volonté d'assombrir un tableau déjà très sombre (le mafieux qui a un cancer de la gorge, le pauvre vieux mourrant sous sa croix, le dépucelage des deux idiots, déjà pathétique, interrompu cruellement, le ciel toujours gris (on est dans le sud de l'Italie quand même...)) rend le visionnage assez éprouvant, sans respiration. C'est ce qui lui coûte la 4ème étoile à mes yeux, bien qu'un peu plus tard, avec le recul, il soit possible qu'il se bonifie à mon souvenir, comme un grand cru, et que je la lui accorde sans coup férir.