Le plus impressionnant dans Gomorra, c'est le style documentaire que met en place le réalisateur. Tout paraît tellement réaliste...on a l'impression de mater un reportage télé, et pour peu on penserait que les personnages ont conscience de la présence de la caméra. Ce parti pris renforce évidemment l'immersion du spectateur, et dès lors, ce qu'on voit à l'écran apparaît comme tout simplement effrayant. Je pense à deux séquences, qui sont deux assassinats : celui de Maria, et celui des deux jeunes à la fin. On regarde ça, on est surpris comme on pourrait l'être dans la vie, et on est tétanisé. Perso, j'ai même laissé échapper un petit rire nerveux, et à chaque fois. C'est que Gomorra établit un sentiment double : d'un côté l'aspect documentaire qui nous fait prendre du recul sur ce que l'on voit. Ici on n'est pas chez Scorsese, et Garrone ne verse pas dans la surenchère, le spectaculaire. Il agit plus scientifiquement qu'autre chose, se contente de décrire une - triste - réalité. De l'autre côté, tout - et en premier l'interprétation - est si naturelle qu'une proximité s'installe inévitablement. Gomorra, dans sa structure narrative, est un film absolument remarquable. En choisissant la fresque, le fait de se consacrer à plusieurs personnages n'ayant pas vraiment de rapport entre eux, mais qui sont tous enfermés dans une même logique de la violence, les auteurs du film - et en particulier l'écrivain Roberto Saviano - font un choix audacieux loin d'une narration classique. Le spectateur peut longtemps s'estimer un peu paumé dans cet univers peuplé de différents personnages et situations, mais c'est ici que le film offre sa force : ça ressemble à la vie, on ne nous prend pas par la main en nous expliquant tout. Le spectateur de Gomorra est adulte.
Le film est aussi dur, sans concessions. Il fait froid dans le dos en dépeignant une réalité italienne misérable, et le monde mafieux qui est sans espoir aucun.
Ajoutons à ça une photo magnifique, et on tient un film formidable.