Ce film, présenté comme une fresque historique sensée être inspirée de faits réels, est de ce fait fortement contestable car il n'est rien d'autre qu'un violent pamphlet antichrétien réalisé par un militant convaincu qui n'hésite pas à travestir la réalité historique pour aller dans le même sens manichéen propagandiste. D'un côté, la sympathique société païenne (qu'Amenabar assimile à l'athéisme contemporain), synonyme de lumière rationaliste et représentée par la si belle Hypatie, pour l'occasion rajeunie sous les traits de Rachel Weisz, qui avait découvert douze siècles avant Keppler, presque en claquant des doigts, que la Terre tournait autour du soleil sous une forme elliptique. De l'autre côté, l'obscurantisme fanatique de la secte d'assassins des Chrétiens, brutes épaisses assoiffées de sang habillés tout de noir et aux yeux injectés de sang, prompts à la lapidation et dirigés par le foncièrement mauvais évêque Cyrille, uniquement préoccupé par son propre pouvoir. Le message d'Amenabar pour les plus faibles est clair : le christianisme aurait, en quelque sorte, inventé le fanatisme religieux. Rien ne nous est épargné pour forcer le trait : les Juifs sont évidemment persécutés avant d'en arriver au massacre généralisé, leurs cadavres transportés en charrette, les bourreaux très satisfaits de leur œuvre, puis brûlés selon une méthode digne des Einsatzgruppen SS et la « Liste de Schindler » ; les manuscrits de la bibliothèque d'Alexandrie détruits par les Chrétiens alors que les historiens ne sont absolument pas d'accord sur l'origine de ces destructions : guerres romaines, troubles postérieurs ou conquête arabe, chacun y ayant certainement contribué. Bon, de fait les chrétiens ont été, de la prédication du Christ jusqu'à l'édit de Constantin (313), très régulièrement persécutés par les païens, puis ils le furent par d'autres Chrétiens se revendiquant être les vrais dépositaires du culte, en tout cas cela s'inscrivait dans une lutte politico-religieuse d'influence au sein d'un Empire en décomposition. En outre, dans la société romaine païenne, le statut de la femme était de jure nettement inférieur à celui de l'homme, lui refusant, à de très rares exceptions près, tout rôle public. A une époque misogyne et brutale, ce statut a (lentement) évolué en partie grâce à la prédication chrétienne, ce dont des femmes comme Hypatie ont, ironiquement pour Amenabar, profité. Elle fut donc la victime d'un petit groupe de fanatiques, comme il y en avait dans toutes les communautés, et non pas du christianisme. L'accueil très mitigé du film aux Etats-Unis contraignit Amenabar à rétropédaler en prétendant que les chrétiens de son film ne symbolisaient que le fanatisme en général, mais il ne peut cacher sa volonté de régler ses comptes en jugeant quelques faits passés il y a 16 siècles selon notre vision moderne, ce qui a fait refuser à Nicole Kidman le rôle d'Hypatie, dévolu à une Rachel Weisz molle et peu charismatique. Sur la forme, le film est impressionnant par ses moyens techniques, bénéficiant d'un très bon budget, mais avec un peu plus de recul, moins de parti pris, peut-être que le message de dénonciation de l'intolérance par Amenabar aurait été acceptable. On ne dénonce pas la haine par de la haine.