Le voici enfin, après plus de deux ans d’absence au cinéma, Tim Burton revient avec une Biopic tout beau tout frais prêt et son second film du genre après l’exceptionnel "Ed Wood" de 1994 : "Big Eyes" !
Populaire, en bien comme en mal, Tim Burton est l’un des réalisateurs que j’apprécie particulièrement bien qu’il ait fait quelques faux pas à certains moments et que je n’éprouve pas un attachement aux mêmes films de sa filmographie que la majorité de ses fans ou du public en général. Pour résumer précisément mon avis sur ses réalisations : j’avais bien aimé "Pee-Wee’s Big Adventure", "Beetlejuice" ne m’avait pas marqué sauf pour ses chansons, ses deux Batman sont excellents et font parti de mes films de super-héros préférés, "Edward aux mains d’argents" fait parti de mes films préférés de sa filmographie et il en est de même pour l’intrus "L’étrange Noël de Monsieur Jack" qu’il a scénarisait et produisait, son "Ed Wood" est l’un de mes films préférés tout court et donc mon Burton favoris, "Mars Attack" m’a paru passable mais sans plus, l’excellent "Sleepy Hollow" était l’un de ses plus terrifiant et de ses plus macabres, je n’ai pas vu sa "Planète des singes" (je suis pas attiré par les films de cette saga) par contre son "Big Fish" m’a bien émerveillé, j’aime son remake de "Charlie et la chocolaterie" malgré certains défauts, "Les Noces Funèbres" était très fun, son "Sweeney Todd" est mon troisième Burton préféré en raison de mes affinements pour les comédies musicales, son "Alice au pays des merveilles" a beau être détesté par pas mal de monde c’est un de mes plaisirs coupables… par contre je déteste profondément son "Dark Shadows" (personne n’est parfait), et j’aime bien l’injustement oublié Frankeenweenie.
Bref, et j’attendais beaucoup de son dernier film en espérant pouvoir le défendre parce que depuis pas mal de temps, un public anti-Burton s’est développé notamment à cause d’un critique de cinéma internet connu sous le nom de Durendal qui se révèle être un grand haineux du cinéma de Burton (vous le connaissez peut être, et sachez que je ne supporte pas ce gugusse détestable). Surtout que, voilà, on a les scénaristes de "Ed Wood", Burton a complètement renouvelé son casting en disant au revoir à Johnny Depp et Helena Bonham Carter et le sujet est différent de ce qu’il montre d’habitude donc ça se devait d’être au minimum bon.
Et au final : "Big Eyes" m’a fait passer un excellent moment, ce film a plusieurs imperfections mais Burton montre très clairement qu’il en a encore sous la pellicule. Rien qu’avec la réalisation on remarque déjà qu’il change littéralement d’univers et de cadre graphique, au revoir les teints pâles sur fond de décor gris et sombres et bonjour à l’ambiance des années fin 1950/début 1960 avec l’évolution du marché de l’art à partir de San Francisco, c’est beaucoup plus coloré et vivant visuellement et une certaine chaleur s’en dégage, l’aspect gothique et déjanté qu’on voit en général est totalement absent dans ce film
puisque les seuls moments ou il y a de l’irréel sont les scènes ou Margaret a des hallucinations ou elle voit les gens ayant des yeux écarquillé et triste comme dans ses œuvres pour souligner sa perturbation face à l’exploitation que son mari fait de ses œuvres.
On retrouve quand même certains points de mise en scène propre à Tim Burton avec les cadres et les angles de caméra, mais aussi certains propos qui caractérisent plusieurs de ses films comme les yeux énormes à cernes avec les enfants que Margaret Keane dessinait dans ses tableaux, le personnage central solitaire mal à l’aise en société avec Margaret ou encore (et surtout ici) le thème de l’artiste qui est le centre même de ce film avec la peinture et les œuvres d’art de la peintre. Ceci étant dit, je ne sais pas si ça vient de mon cinéma mais il y a quand même deux/trois points sur lesquels on peut chipoter, on peut remarquer en début de film lors du départ de Margaret que
Burton a réutilisé deux fois le même plan sur une colline verte mais avec deux angles de caméra différent… quel intérêt ? Pourquoi ne pas passer directement à Margaret et sa fille dans leur voiture plutôt que réutiliser inutilement un plan d’un même paysage même pas dix secondes après le premier ?
Il a également quelques petites maladresses comme le fait que le haut de la tête des acteurs dépasse du cadre de la caméra lors de quelques plans, mais ça à la limite ce n’est rien de gênant. Donc, Tim Burton livre un travail honnête et vraiment appréciable dans l’ensemble ou on sent vraiment qu’il change d’atmosphère sans perdre l’identité qui caractérise son cinéma. En plus de cela, la photographie est agréable pour les yeux et très belle et ça ne rend que le visuel plus agréable.
Comme toujours, Danny Elfman travaille à la musique au service de Tim Burton. On ne le présente plus depuis la bande-son qu’il a fait pour la saga de Raimi sur "Spider-Man" ou "Edward aux mains d’argent", mais jusqu’à dernièrement le public lui reprochait de souvent faire du recyclage dans ses musiques. Et bien rassurez vous, ici il change de registre, il compose au total tout juste 6 musiques mais le thème de Margaret et de Walter sont séparé en plusieurs parties durant les une heure quarante de long-métrage. Le style musical qu’il orchestre colle très bien au sujet du film et l’ambiance qui s’en dégage, mais j’ai un petit faible pour la musique d’ouverture personnellement. Et également pour la chanson Big Eyes composé et chanté par Lana Del Rey dont les paroles ont un sens pour ceux qu’on entend durant une scène ou Margaret peint un tableau après s’être davantage engouffré dans l’escroquerie conspiré et installé par son époux. Du bon travail là encore.
Passons maintenant à l’interprétation des acteurs : Amy Adams et Christoph Waltz sont touts deux en tête d’affiche pour ce film, et à mon sens l’une s’en est mieux sorti que l’autre. En effet, Amy Adams qui est charmante à regarder (oui, je le dis) est vraiment touchante dans le rôle de la peintre perdue et déboussolée pour qui on se prend d’affection et de pitié quand on voit à quel point l’escroquerie dans lequel elle s’embarque finit par la tourmenter et lui détruit petit à petit l’identité qu’elle mettait dans ses œuvres. Elle est l’artiste tourmentée ici et celle que Burton présente pour exploiter son thème en raccord avec l’époque et le milieu de l’art aux USA. Sur ce point je n’ais rien à reprocher à Adams, elle est splendide.
Pour le cas de Christoph Waltz, çà va être un peu plus compliqué à expliquer. Beaucoup lui ont reproché (pour ceux qui ont vu des avant-premières) de surjouer son personnage et d’être ridicule dans son interprétation. Sauf que… justement ! Dans la plupart des situations en question, il doit surjouer puisque son personnage le souhaite et se révèle être un gros connard. Et puis franchement, ne me dites pas que ça ne rend pas certains moments vraiment savoureux quand il y va à fond ?
Rien que lors de la scène du tribunal ce mec est hilarant à jouer l’avocat est l’accusé tout en inventant des anecdotes comme si c’était sa propre vie que représentaient les œuvres de Margaret,
de toute manière Waltz a un don pour incarner des enfoirés qu’on déteste et adore à la fois. Là, il interprète également un autre de ces grosses enflures qui a su profiter de ses capacités en commercialisation, publicité et paroles charmeuses pour devenir célèbre et tromper le monde de l’art en profitant du travail de son épouse et en s’attribuant tout son mérite. Il y a bien des moments ou l’on peut reprocher son cabotinage mais Christoph Waltz se doit d’être dans l’exagération de son jeu donc ça passe très bien et il reste terriblement classe en tant qu’acteur.
Pour le reste du casting, Jason Schwartzman a un rôle assez anecdotique mais avec une touche de subtilité avec l’une de ses répliques qui décrit très bien l’époque et la société dans lequel on vivait à l’époque dans le milieu de l’art. Et il se montre convaincant à chaque apparition qu’il effectue. Danny Huston joue un narrateur en tant que journaliste Dick Nolan (rien à voir avec Christopher Nolan) et s’en sort bien apportant un brin d’humour à un moment. Krysten Ritter jouait un rôle assez secondaire aussi mais elle s’en sortait plutôt bien pour ce qu’on a vu. Bref, en général le casting se tient très bien, mais c’est à travers les deux interprètes principaux que Tim Burton tire profit de son thème et du renouveau qu’il apporte à son film.
Et tant qu’à parler de renouveau, s’il y a un dernier point sur lequel, je pense, il est important de revenir dans ce film puisque le script a été confié aux deux scénaristes qui ont scénarisés le petit bijou qu’est Ed Wood à mes yeux. Un peu plus haut, j’ais dis qu’on retrouvait un thème cher à Burton, à savoir celui de l’artiste. Mais ce film se démarque des autres de la même manière qu’Ed Wood car en plus de se dérouler dans un monde réaliste, Burton nous livre un film bien plus personnel et réaliste à travers son héroïne Margaret Keane. Le milieu de l’art dans lequel Margaret, Walter et les autres personnages (ayant existé ou non) vivent est entièrement dominé par les hommes et ou l’art féminin n’a pas sa place, preuve de dénonciation du sexisme lors de cette époque avant que Margaret n’arrive à se faire découvrir du public en prenant son courage à deux mains.
Et s’il y a bien un élément que Burton dénonce ici avec Margaret : c’est la perte d’identité de cette femme avec ses œuvres et le système de commercialisation de ce milieu qui dénaturalise ses œuvres et ignore la raison pour laquelle elle dessinait ces tableaux à l'origine.
Et cela est davantage représenté en la personne de Walter Keane, un homme âcre et avide aux dons d’orateurs qui profite de son talent pour faire profit et utiliser sa femme à ses fins. Elle se retrouve très vite engouffré dans ce mensonge et dans une honte et dépression qui grandit constamment
lorsqu’elle revoit ces gros yeux globuleux en chaque personne qu’elle croise, à l’intérieur d’un supermarché ou ses tableaux sont vendus en masse sous formes de copies et en sont réduit à des instruments de consommations. Montrant comment des œuvres d’art crées dans des intentions innocentes peuvent devenir de simple outil dévoré par la société dans lequel nous vivions à cette époque.
Cela jusqu’à ce que Margaret décide de changer de style à un moment dans son art, jusqu’à finalement revendiquer ses droits sur ces œuvres (qui lui ont toujours appartenu) et enfin vivre pleinement de son art.
Et par ailleurs, cette perte d’identité, Burton la démontre également en s’auto-dénonçant à travers Margaret. Oui, souvenez-vous de son "Dark Shadows" et de son "Alice aux pays des merveilles", c’était des films de commande à la base, pas des œuvres qui lui étaient propres et dans lesquels on lui reprochait de faire tout le temps du recyclage (décors grisâtre et terme, Depp et Carter toujours au programme) sans vraiment y mettre du cœur. Le réalisateur en a conscience et se dénonce d’une certaine façon avec ce film, et pour ma part il m’a largement prouvé qu’il est encore capable de faire des œuvres avec sa propre patte.
Donc, après plusieurs éloges et une longue analyse : "Big Eyes" est à mes yeux un très bon retour du cinéaste à la qualité propre. Il sait se renouveler, il le montre avec de nouveaux acteurs avec Amy Adams en tête de liste et un univers différent de ses habitudes sans oublier une histoire à fond intelligent et qui sait être drôle à plusieurs moments. Je ne saurais que vous encourager à aller le voir et à donner sa chance à Burton, et j’espère qu’il arrivera à poursuivre sur cette voie (même si je suis pas optimiste à l'idée qu'il fasse un reboot sur Dumbo).