Que c’est triste la retraite… Par certains aspects, Burton me rappelle le Spielberg des mauvaises heures, mais en pire. Parce que oui, je pense qu’on l’aura tous senti, il est arrivé plus d’une fois par le passé que l’ami Stevie, parce qu’il avait accompli la plupart des grands projets de sa vie qui lui tenait à cœur, qu’il se laisse aller à prendre à le premier roman de gare à disposition et qu’il se dise « après tout pourquoi pas, la véranda ne se paiera pas toute seule… » Seulement, avec Spielberg, même dans les pires moments, on sent que le gars à le cinéma dans les veines et que son imagination plastique finit toujours par prendre le dessus et ainsi à sauver le film d’un total naufrage. Ce qui m’attriste avec Tim Burton, c’est que je ne peux pas en dire autant. Depuis « Big Fish » qui est selon moi son dernier film, Burton lui aussi n’a plus grand-chose à dire ni à faire, donc il prend un Lewis Carroll ici, un Roald Dahl là, quand ce n’est pas un film d’enfance ou un fait divers. Jusqu’à présent il s’était efforcé de recycler, pensant que son ton décalé n’avait pas pris une ride et que personne ne se lasserait jamais des cabotinages de Johnny Depp (Argh « Sweeney Shadows » ! I feel you cholera…) Là, seul mérite de ce « Big Eyes », Burton a refermé son armoire à burtoneries pour s’efforcer de livrer une œuvre plus classique. D’ailleurs – ô miracle – on échappe à Johnny Depp ce coup-ci. Je pense que le principal intéressé a été tout autant soulagé que je l’ai été en l’apprenant. Maintenant, ce virage permet-il de voir une autre facette de l’auteur s’éclairer ? Pour moi, la réponse a été très rapidement évidente : non. C’est mou, c’est plat, c’est classique. L’intrigue est lisse comme jamais si bien qu’arrivé aux deux tiers du film, on est encore dans la trame annoncée par la bande-annonce. Ai-je eu l’impression d’avoir eu quelque-chose de plus durant cette première heure et demie ? Personnellement, non. L’intrigue est si évidente qu’elle se déroule sans surprise. Alors certes, c’est mené proprement – après tout l’ami Tim n’est pas un manchot – mais ça n’a vraiment aucune personnalité. Le seul artifice sur lequel Burton compte faire fonctionner son film, c’est sur les cabotinages de Christoph Waltz. Or, autant j’adore l’acteur, autant dans ce film il n’est vraiment d’aucune subtilité. Au fond son jeu est assez répétitif et sa seule dynamique consiste à en rajouter de plus en plus au fur et à mesure du temps. A la fin, le scénario devient même presque anecdotique, juste pour laisser Waltz en faire des caisses jusqu’au bout. Finalement, Waltz ou Depp, ça ne change rien. Ça reste balourd. Et finalement, univers burtonien ou non, ça ne change rien non plus. L’ami Tim n’a plus rien à dire, Il n’a même pas envie de faire l’effort de réfléchir à comment le dire. A chaque critique je le dis, mais à chaque fois la chose se confirme irrémédiablement : Tim Burton est mort avec « Big Fish » et tout ce qui suit n’est qu’une longue, mais trèèèès longue agonie. C’est triste.