Faut se remettre dans le contexte de l'époque. Jim Jarmusch a connu un important succès avec ''Broken flowers'' (2005) qui a reçut le Grand Prix du Jury à Cannes. Mais une partie de son public d'antan est déçue : on lui repproche d'être passé avec ''Broken Flowers'' à un cinéma plus populaire, pour ne pas dire plus commercial. En somme, d'avoir délaissé ce qui faisait sa patte. A partir de cela, on ne peut faire que des suppositions sur ce qui se passa. Donc, vous êtes prévenu : les évènements qui se déroulent dans cette critique sont purements fictifs
Jim n'est pas très content que des gens le critiquent. Il décide par conséquent de prendre des vacances. Où ? Jim prend sa mapemonde et tire au sort sa destination. Et paf ! C'est l'Espagne ! Bon, il n'a plus qu'à prendre l'avion. Mais Jim est triste, il n'aime pas voyager seul. Il prend donc son portable dernier cri et appelle des copains pour savoir s'ils ne voudraient pas l'accompagner dans son périple. Miracle, ils sont tous libres ! Allez, c'est parti ! Et comme tout bon cinéaste en vacances, Jim prend dans ses valises sa caméra, histoire de filmer ses vacances et ses potes.
Ca y est ! Jim, Isaac (de Bankolé), Bill (Murray) et les autres sont en Espagne ! Il fait chaud, beau... Mais Jim s'en veut : le cinéma lui manque. Isaac, plein d'empathie lui propose de faire un film ensemble, maintenant avec toute la bande. Jim reprend du poil de la bête et écrit alors un scénario magistral avec action, poursuite, suspense... Mais Jim est embêté : il n'a personne pour la photo et la musique. Mais... quelle chance. Qui se trouve sur une terrasse de café à Séville ? Le groupe japonais Berlin qui accepte de faire la BO du film, moyennant une somme sonnante et trébuchante dont l'honorable étranger peut sans doute s'acquitter très commodément. Et qui se trouve à la table voisine ? Christopher Doyle qui déprime toujours depuis 2004, en gros depuis sa brouille avec son cher Wong Kar-Wai. Jim lui propose très gentiment de rejoindre l'équipe. Christopher accepte avec gratitude. C'est parti pour le tournage !
Jim est heureux. Il va, tout en se dorant la pilule, faire un film comme il en faisait à l'époque. D'autant plus que de fieffés pigeons ont chippé le scénario (Jim les incluera dans son film et ce sera bien fait). Pas grave. ''Quel meilleur film que celui sans scénario ?'' se dit Jim. Il décide de filmer Isaac. Isaac au café, Isaac et ses expressos, Isaac au musée, Isaac et sa gymnastique matinale... Le but ? Eviter de faire parler Isaac, le pauvre a, depuis le début du voyage, un grand mal de dent. Ce sera plutôt les autres acteurs qui parleront. ''Mais de quoi parlerons-nous?'' s'interrogent les acteurs. ''Oh, un peu de tout'' répond Jim. Avec un peu de chance, cette brochette d'acteur attirera du monde : Issac (bien sûr) et les autres, Tilda Swinton, Bill Murray, Gael Garcia Bernal, John Hurt...
Quel beau tournage ! ''Et quel beau film'' s'extase Jim, content de voir Isaac, en tueur à gages, rencontrant à des terrasses de café ses indicateurs. Et à côté de cela, Jim décide de filmer les hôtels dans lequel il descend : joindre l'utile à l'agréable. En parlant de choses censées être agréable, Jim décide d'ajouter dans son film une fille constamment à poil (''pourquoi ? Parce qu'on peut!). ''Pour réveiller le spectateur trop peu intello'' explique Jim.
Les vacances se terminent, le tournage aussi. Mais Jim est fier. Il pense avoir pondu son chef-d'oeuvre. L'oeuvre qui convoque l'abstraction la plus totale. Un trip planant que seul les êtres doués d'intelligence et de sensibilité pourront comprendre (''l'élite, si vous préférez'' ajoute Jim). En somme, la redéfinition du cinéma. Il ne reste plus qu'à recevoir les louanges de la critique et du public, qui, vu le casting, se ruera sans doute dans les salles. Hé hé !
Plus sérieusement, jetez ce film à la poubelle. Ce n'est pas qu'il ne s'y passe rien, c'est que les choses qui se passent dans ce film n'ont strictement aucun intérêt. Mise en scène m'as-tu-vu et prétentieuse, scénario inepte, acteurs qui cachetonnent... Sans doute le plus mauvais Jarmusch (qui avait, en des temps anciens et favorables, réalisé ''Ghost Dog'', toujours avec un tueur noir). ''The limits of control'' rejoint le cercle des pensums philosophiques ennuyeux et prétentieux. On le rassure, il sera rejoint par ''Oncle Boonmee'' (Apichatpong Weerasethakul, 2010) et ''Interstellar'' (Christopher Nolan, 2014). A fuir de toute urgence. Les limites du contrôle ? Hélas non, mais les limites de l'ennui, sont, elles, aisément franchies.