Pour moi Eli roth, en réminiscence des bouquins d'horreur que je lisais gamin, c'était seulement un petit plaisir coupable en passant, sous forme de slashers un peu innovants (Cabin fever, Hostel,...) qui ne se prenaient pas trop au sérieux si ce n'est par des qualités esthétiques certaines, et une envie de plonger le spectateur dans une épouvante un peu sur-réaliste.
...Et puis, même si la photo restait léchée et que l'envie semblait toujours là, c'est devenu un peu moins innovant ( The Green Inferno 1 & 2... ) et ça a aussi commencé à se prendre un peu trop au sérieux à mon goût sans avoir pour autant les qualités nécessaires ( Knock Knock, ... )
Je dois dire que j'ai aussi ressenti ça avec Tarentino, ayant préféré de loin ses premiers films (Reservoir Dogs & Pulp F.) aux suivants, que je trouve plutôt grotesques : A l'inverse de Eli Roth, les premiers avaient un côté un minimum réaliste dans lequel excellait à mon avis Tarentino, et dont il s'est malheureusement éloigné en prenant la grosse tête.
Pour en revenir à Eli Roth, donc, avec ce nouveau remake d'un "classique" venant de lui (on aime ou non l'original mais on en a fatalement entendu parler), on a un film qui essaye très clairement d'être sérieux, sans jamais vraiment y parvenir car il ne sait pas sur quel pied danser... Ce n'est pas une satire en forme de pied-de-nez progressiste à son très réactionnaire modèle "vigilante" avec C.Bronson, mais ça n'est pas pour autant non plus complètement une ode au premier amendement : Superficiellement, mais quand même, différentes critiques aussi bien de la vente libre des armes, que de la volonté de (se) faire justice soi-même apparaissent tout au long du film... Ainsi que d'autres polémiques telles que le "chevalier blanc" qui va chasser du noir dans des quartiers pauvres... Sauf qu'in fine, pour quelques minutes bâclées de ce traitement, le bon docteur chirurgien va plutôt jouer du flingue, et plus si affinités, que du scalpel pendant tout le reste du film ! Non seulement cela, mais, en tout cas si on place sa confiance dans les autorités, compte tenu de leur complaisance, on pourrait conclure sur ce que les événements lui donneront plutôt raison...
...Raison de tuer et de torturer, façon slasher old-school donc, mais en un peu plus réaliste désormais, pour donner l'illusion de traiter tout cela sérieusement. Le ressenti final est qu'Eli Roth aurait voulu que son film plaise à tout le monde, mais sans prendre de position claire, il finit quand-même par donner l'avantage au camp réactionnaire sans pour autant les séduire vraiment tant ces derniers préfèrent toujours l'original à la copie.
Depuis le film avec Charles Bronson, les USA ont connu de nombreuses tueries de masse, dont beaucoup dans des établissements scolaires, et trop de gens ont aujourd'hui de très solides raisons de ne vouloir montrer aucune complaisance avec ce sujet ; Les USA ont aussi connu, et c'était il n'y a pas si longtemps, le mouvement Black Lives Matter, avec une remise en question profonde du rôle de la police dans la ségrégation raciale et dans les rapports de classes sociales, et, dans certains quartiers où les commissariats ont été tout simplement vidé de leur police, des propositions pour la réformer ou même carrément la remplacer ont vu le jour.
Elles étaient autrement plus inspirées que le film d'Eli Roth, qui, s'il a modernisé l'original en y ajoutant notamment des téléphones portables et la mise en ligne de vidéos virales sur internet... A visiblement oublié d'intégrer à son oeuvre la rage populaire qui existe aussi, en face des réacs, contre les armes et la police, et qui n'est pas juste un questionnement embourgeoisé de façade sur "l'accès trop simple aux armes" ou la seule "incompétence" de la police.
...Tant et si bien que malgré de vraies qualités ( mais aussi beaucoup d'autres défauts, dont beaucoup de personnages inutiles à l'intrigue elle-même ) et un suspense suffisant à me faire tenir jusqu'au bout, je ne peux pas nier que la vision portée par son film est globalement et malheureusement réac, même si, certes, des efforts réels ont été fait pour essayer de séduire le marché progressiste : Cependant, là encore, faut pas prendre les gens pour des buses, ça ne marchera pas.
Du coup, à vouloir manger à tous les râteliers, je ne crois pas me tromper en disant que ça ne plaira à aucun des deux camps, en fait. Non seulement ça, mais j'en viens à me demander si finalement toute sa filmographie ne respire pas un côté un peu réac caché sous un fin vernis de bien-pensance... Après tout, ses films d'horreur "exotiques", que ce soit "Hôstel" ou "Green Inferno" reposent sur la peur des étrangers... Les vilain(e)s de son "Knock Knock" sont de méchantes "pauvres" prenant en otage un trop gentil riche, etc...
Bon ben je suppose qu'en ce sens, le choix d'un remake de film réac est cohérent et malheureusement significatif de ce que l'on est en droit d'attendre du bonhomme ? Dommage, pris complètement à contre-pied de l'original, "Death Wish" aurait pu être un vrai petit bijou de provocation dont on aurait encore parlé longtemps ! Mais là...