Thor, réalisé par Kenneth Branagh, est une tentative ambitieuse de transposer la grandeur mythologique d’Asgard sur grand écran tout en intégrant l’univers Marvel contemporain. Si le résultat n’est pas catastrophique, il demeure profondément bancal. Thor se perd dans une identité confuse, oscillant entre drame shakespearien, comédie légère et blockbuster fade.
Visuellement, Thor offre quelques belles envolées, notamment dans la représentation d’Asgard. L’esthétique inspirée des comics, mêlant architecture dorée et décors futuristes, donne à la cité des dieux un certain cachet. Pourtant, cette beauté est superficielle : tout semble plastifié, irréel, comme une carte postale numérique manquant cruellement d’âme.
La Terre, en contraste, offre des décors mornes et génériques. Les vastes étendues du Nouveau-Mexique sont exploitées sans imagination, réduites à un terrain d’expérimentation stérile pour les dialogues et les gags. Kenneth Branagh, habitué au théâtre classique, peine à équilibrer ces deux mondes. Les transitions entre Asgard et Midgard (la Terre) paraissent maladroites, laissant un sentiment de rupture permanente.
Le casting, pourtant prometteur, ne parvient pas à hisser le film au-delà de ses lacunes.
Chris Hemsworth (Thor) : Il a l’apparence du dieu nordique, mais son jeu reste limité. Ses scènes d’arrogance initiale sont convaincantes, mais la transformation soudaine de Thor en héros humble et noble est tout simplement trop rapide. Hemsworth est charismatique, mais le scénario ne lui laisse pas le temps d’incarner réellement son évolution.
Tom Hiddleston (Loki) : Loki est sans conteste le personnage le plus intéressant du film. Hiddleston apporte une nuance bienvenue, incarnant un antagoniste à la fois fragile et machiavélique. Malheureusement, ses dilemmes restent sous-développés, étouffés par un rythme qui préfère l’action à l’introspection.
Natalie Portman (Jane Foster) : Jane est une déception. Réduite au rôle de love interest maladroite, elle perd toute crédibilité en tant que scientifique. Sa romance avec Thor, censée être le cœur émotionnel du film, est expédiée sans aucune subtilité. Le personnage, pourtant réinventé pour être plus moderne, ne parvient jamais à exister par lui-même.
Anthony Hopkins (Odin) : Hopkins, fidèle à lui-même, apporte une certaine gravité à son rôle, mais il est trop souvent relégué à des discours pompeux. Odin est une figure imposante, mais statique, qui semble là pour prononcer des phrases sentencieuses sans réelle influence sur l’intrigue.
Les personnages secondaires — Sif, les Trois Guerriers et Heimdall — sont purement décoratifs, victimes d’un scénario qui peine à leur donner un rôle significatif.
La structure narrative de Thor manque de cohésion. L’histoire d’un dieu arrogant exilé sur Terre pour apprendre l’humilité est une idée forte, mais elle est sabotée par une exécution trop précipitée. La transformation de Thor en héros digne se fait en quelques scènes, sans réelle épreuve ou réflexion.
La partie terrestre, qui devrait humaniser le dieu du tonnerre, tombe à plat. L’humour y est forcé, les dialogues manquent de naturel et les péripéties sont souvent sans conséquence. Quant à l’intrigue d’Asgard, elle promet un drame familial épique, mais elle reste superficielle. Les plans de Loki, bien que portés par une interprétation solide, manquent de consistance pour en faire un antagoniste mémorable.
Les effets visuels sont un autre point de frustration. Si certains plans d’Asgard sont impressionnants, d’autres tombent dans l’excès numérique. Le Destructeur, censé être une menace redoutable, ressemble à une version générique d’un boss de jeu vidéo. Les séquences d’action, en particulier sur Terre, manquent de créativité et d’impact.
La musique de Patrick Doyle, pourtant composée par un habitué de Branagh, reste oubliable. Aucun thème n’émerge pour donner une identité sonore forte au film, ce qui est d’autant plus regrettable pour une histoire mêlant dieux et grandeur mythologique.
L’un des problèmes majeurs de Thor est son incapacité à trouver un ton cohérent. Les séquences dramatiques, souvent surjouées, sont immédiatement suivies par des scènes comiques trop appuyées. Par exemple, voir Thor se comporter comme un homme des cavernes dans un diner est amusant sur le moment, mais cela décrédibilise l’enjeu dramatique de son exil.
Cette dissonance constante empêche le spectateur de s’immerger pleinement dans l’histoire. Le film cherche à tout faire : être drôle, sérieux, épique, romantique… mais il ne réussit jamais vraiment rien de tout cela.
Thor est une œuvre bancale qui échoue à marier ses ambitions mythologiques avec le divertissement accessible attendu d’un blockbuster Marvel. Malgré des moments visuellement impressionnants et la performance de Tom Hiddleston, le film reste une expérience frustrante, trahie par un scénario creux, des personnages sous-exploités et une tonalité déséquilibrée.
Ce n’est ni le grand drame shakespearien que Kenneth Branagh promettait, ni une aventure super-héroïque mémorable. Thor ressemble davantage à une esquisse maladroite qu’à un coup de tonnerre retentissant.