S’il y avait encore lieu de s’interroger sur la capacité du cinéma français à s’immiscer avec probité et efficacité dans le cinéma d’action musclé et défouraillant, Largo Winch vient enterrer tout éventuel espoir. Jérôme Salle, qui avait jusqu’ici réalisé le seul et acceptable Anthony Zimmer, ne parvient que laborieusement à donner vie à l’héritier milliardaire et réalise une piètre contrefaçon des moins glorieux épisodes de la saga James Bond, que cette adaptation de la bande dessinée de Jean Van Hamme a pourtant vocation à concurrencer. Le personnage Largo Winch regorgeait pourtant de mille facettes exploitables : séduisant, physique, déterminé, intelligent, virtuellement riche et célèbre, mais également orphelin, seul et trahi de toutes parts. La matière semblait ainsi bien plus consistante que les perpétuelles pérégrinations agitées du héros de Ian Fleming. Son combat, très personnel pour l’honneur et la survie, nécessitait une écriture bien plus inspirée et originale. Or ici chaque situation n’est, au mieux, qu’une lâche reproduction de thèmes éprouvés (la femme très fatale et fourbe, les alliés les plus proches sont finalement les plus malveillants), au pire la démonstration d’un manque de savoir-faire déconcertant : les scènes d’action comme la première bagarre sur le petit port brésilien laissent la douloureuse impression d’avoir été chorégraphiées par l’équipe d’un téléfilm de France 3. Et quel esprit d'analyse et de déduction ce Largo! De manière symptomatique, ce qui découle généralement de ce genre de cataclysme est une interprétation risible. Sans chercher à accabler Tomer Sisley, totalement novice à ce niveau-là et donc excusable, il est ici piégé par l’absence de mise en scène. Et ce beau gosse venu de la scène n’a ni les pectoraux de Daniel Craig, ni la classe et le talent de Sean Connery.