Darren Aronosfsy signe là l’un de ses films les plus aboutis, des plus intimistes. Dans une approche réaliste telle qu’exploitée sur The Wrestler, le cinéaste suit le parcours chaotique d’une danseuse de ballet, à l’heure ou celle-ci concours pour l’obtention du rôle de la reine des cygnes. Dans l’intimité de la demoiselle, dans une optique d’immersion parfois très détaillée, Black Swan est aussi l’ajout à cette manière de faire d’une certaine forme de surnaturel, de dédoublement et de psychose. L’on oublie parfois l’implication dérangeante avec laquelle l’artiste s’imprègne de son rôle, de sa fonction. Aronofsky nous le rappelle, tout en nuance. Fragile, frêle, optimiste, Nina est l’incarnation même de l’innocence. Alors qu’elle s’apprête à devenir la danseuse vedette d’une relecture du Lac des cygnes, des troubles, autant physique que moraux, viennent hantés la vie de la jeune femme.
Si l’on pressent la nuance, la psychose tout le long du métrage. On ne peut pourtant éviter l’attraction du surnaturel. Voilà sans doute l’une des forces de Black Swan, faire hésiter le public, effrayer autrui en faisant d’un drame un conte teinté d’horreur, de paranoïa. Natalie Portman porte son rôle avec une vivacité étonnante et signe sans aucun doute sa plus splendide incarnation en tant qu’actrice. Aussi impuissante que forte, émotionnellement, l’actrice, qui n’en n’est pas à ses débuts, marque les esprits. Attraction sexuelle, caricature de la femme objet mais aussi image forte d’une personnalité refoulée, la libération, la transcendance de la demoiselle se fait dans la douleur, dans le chaos. Luttant pour s’affranchir du dictat d’une mère poule, folle, un peu à l’image de la maman de Carrie chez Stephen King, Nina ira au bout des choses, le tout se soldant sur un formidable spectacle de danse classique, le plus beau jamais filmé au cinéma.
Alors que Natalie Portman incarne l’héroïne dans l’impasse, la vertu incarnée, mais triste, voilà qu’en opposition se dresse la silhouette affriolante de Mila Kunis, fille facile, joueuse à qui tout réussi. Fantasme ou réalité, à vous de la découvrir, alors que Vincent Cassel, impeccable vient troubler la fête par des avances impolies, des mimiques étonnantes pour un acteur français qui tourne aux USA. La distribution des rôles est à ce point impeccable qu’elle se fond sans le moindre accro dans le décor, un univers dévoué à la danse, à la rigueur du spectacle, divertissement d’une élite fortunée qui n’admet pas ni l’erreur ni de perdre son argent. Qu’Aronofsky raconte une histoire contemporaine n’y change rien, voilà un récit hors du temps, hors des sentiers battus.
Etonnamment beau, étonnamment captivant, voilà qu’un réalisateur parvient à faire d’un film sur la danse un thriller sombre comme seuls Hitchcock semblait savoir les faire. Me faire adhérer à l’univers du ballet n’était pas gagné. J’ai pourtant été conquis, ravi d’avoir, en 2011, visionné un film qui n’est ni vain ni artificiel. Peut-être légèrement orgueilleux, les travaux de Darren Aronofsky et de Natalie Portman méritent amplement qui l’on s’y intéresse. Sublime de bout en bout, sans longueur, voilà l’exemple à suivre. La rigueur dans la mise en scène, la documentation des détails, les performances des comédiens, un vrai et bon exemple. Sans doute l’un des meilleurs film du début de la décennie actuelle d’un point de vue purement artistique. 18/20