Paris, la ville lumière, la nuit. À mille lieues de la carte postale, des grands boulevards, des beaux bâtiments et de toute l'agitation du centre, Berri montre une autre facette de la ville, bien moins publicitaire que la première. Sombre et sale, c'est celle des quartiers populaires, espaces relégués en périphérie et lieux de relégation pour les marginaux ; c'est la ville des trafics, des petites rues et des recoins insalubres. Une ville où vivotent toutes sortes de personnes, comme Lambert, le Pompiste. Un pauvre type ruiné par la vie et la boisson qui, tout à son malheur, a pourtant la chance de rencontrer Bensoussan. C'est un de ces gars un peu en marge de la société, une personne qui tente de se tirer de sa situation précaire malgré, on s'en doute, le racisme, et la difficulté de s'extraire d'une condition aussi misérable que la sienne. Un destin tragique, un de plus. La relation de quasi-filiation qui se noue entre les deux hommes, à la fois pure et conflictuelle, à ceci de contradictoire que chacun trouve en l'autre ce qui lui manque, sans jamais parvenir à l'exprimer ouvertement. Pour Bensoussan, Lambert devient une sorte de point de repère, un confident, un ami, un père de substitution. Pour celui-ci, en revanche, la rencontre avec le jeune homme ne semble être qu'une éclaircie dans le morne quotidien qui est le sien - trop perdu, trop malheureux, ce n'est que trop tard qu'il comprend à quel point cette rencontre devait lui permettre de changer ; d'aller de l'avant. Dans la solitude de ses horaires de nuit, faiblement éclairé par les néons blanchâtres de la station-service, le vieil homme est constamment affalé sur une petite chaise, un verre à la main. Profondément marqué par l'existence, c'est un personnage triste qui ne vit plus. Brulant la chandelle par un bout, car n'ayant plus rien à perdre, il accomplit un travail parfaitement alimentaire comme une ombre ; automatiquement, dans les vapeurs d'huile et d'essence, et les odeurs des pièces automobiles de la station. Quel coup de tonnerre alors, que la perte de l'ami ! Accablé de chagrin, Lambert sombre un temps avant de se relever avec la ferme intention de le venger. Comme un retour à une activité synonyme de vie, il entreprend, sortant du cadre étroit de son local pour se réaffirmer. Justicier désabusé, c'est en s'attaquant aux hommes qu'il parvient enfin à vaincre ses démons et à dépasser ses souffrances. La métaphore est extraordinaire ; chaque séquence représente à la fois une nouvelle étape de cette vengeance toute personnelle destinée à remettre les compteurs à zéro, à faire cette justice que la justice elle-même ne rendra jamais à Bensoussan ; et, le dépassement du mal-être persistant, qui est progressivement éliminé. Un avenir semble alors possible. Mais la voie emprunté par Lambert n'est qu'une voie de non-retour, et ce, depuis le début. Il y a des erreurs qui ne se rattrapent pas, et avec lesquelles on ne peut tout simplement plus vivre. Si rien n'empêche d'en prendre acte pour devenir une personne nouvelle, ce n'est jamais qu'affaire de cheminement intérieur, de choix, et aussi, au moins un peu, de hasard. Comme une dernière danse pour Coluche, qui livre avec ce film une interprétation d'une humanité débordante et certainement l'un des plus grands rôles de sa carrière. Tchao Pantin.