A l’époque où "Tchao pantin" avait le vent en poupe, je n’avais pas aimé ce film car il cassait l’image de trublion du regretté Coluche. Il faut dire que j’étais bien plus jeune, et donc pas forcément sensible au véritable sujet. J’avais même estimé que ce film ne faisait que voguer uniquement sur la très grande notoriété du showman qu’il était. Aujourd’hui, j’ai un regard différent, ce qui me pousse à poster cet avis. Indépendamment du fait que la réalisation sérieuse et aboutie de Claude Berri est une adaptation du roman éponyme d’Alain Page (que je n’ai pas lu), "Tchao pantin" est surtout l’histoire d’un mec. Bon je l’avoue, celle-là était facile, mais c’était trop tentant :-). C’est donc l’histoire d’un homme, un pantin inerte et sans vie qui survit à travers le soi-disant réconfort que lui procure l’absorption massive d’alcool. Sa vie, à priori anonyme et tranquille, avance au rythme des bouteilles de rhum Negrita (eh oui, la censure relative aux marques n’était pas encore mise en place) se vidant de façon imaginable selon le tempo donné par la trotteuse de l’horloge égrenant inlassablement les secondes les unes après autres, minute après minute, heure après heure, jour après jour, ou plutôt nuit après nuit. Lors d’un soir comme les autres, survient dans sa boutique de pompiste un jeune homme en panne de mobylette pour une bougie d’allumage. La conversation commence timidement entre eux, faisant peu à peu sortir de sa torpeur Lambert (Coluche), une conversation qui s’étale au gré de leurs rencontres, et donnant place à un respect mutuel que ni l’un ni l’autre ne veulent vraiment s’avouer. Je ne raconterai pas la suite pour ne pas trop en dévoiler des fois que mes lecteurs voudraient découvrir ou redécouvrir ce film français incontournable des années 80, mais il va sans dire que je trouve aujourd’hui la prestation de Coluche absolument formidable, surtout si tient compte qu’il est aux antipodes de ce qu’il a eu pour habitude de nous servir. Il a su exprimer ce désespoir muet, enfermé dans une solitude salvatrice, un désespoir formidablement renforcé par sa démarche légendaire qui me fait penser à celle d’un enfant perdu. A croire qu’il est totalement à l’aise dans le genre dramatique, certes subjugué par une mise en scène lente à laquelle on pourrait reprocher que les choses mettent un peu de temps à se décanter. Dans cette ambiance glauque de la vie parisienne nocturne, parfumée d’une certaine violence sous-jacente, on pourra aussi saluer la bonne prestation de Richard Anconina (que j’ai trouvé quand même en-dessous de Coluche, mais j’avoue qu’il y a de quoi être intimidé par l’aura du créateur des Restos du cœur), récompensé largement par 2 Césars, ceux du meilleur espoir masculin et du meilleur acteur dans un second rôle. Au milieu de ces deux hommes, se dresse Agnès Soral, absolument superbe de contrastes entre le paraître en punkie et la raison guidée par le cœur. Le trio rend l’histoire prenante et crédible dans cette France des années 80 où les appartements occupés passeraient aujourd'hui pour des logements horriblement et honteusement insalubres. Sous la photographie somptueuse de Bruno Nuytten, "Tchao pantin" est donc l’histoire d’un pantin qui se réveille tout simplement parce qu’il rencontre un jeune homme qui lui rappelle quelqu’un, ce jeune homme auprès de qui il tente de ne pas recommencer ses erreurs commises par le passé, ce qui rend sa confession d’autant plus superbe en fin de film. Je trouve seulement dommage que l’affection que se portent mutuellement Bensoussan et Lambert ne soit pas plus développée. Un film donc à découvrir absolument, Tchao pantin étant le grand gagnant de la cérémonie des Césars en 1984, du haut de ses 5 récompenses obtenues sur 12 nominations.