Les dix dernières années de Chabrol sont à mon avis les meilleures, celles où ils s'est complètement émancipé de ses références cinéphiliques qui guidaient quelque peu des films comme Le Boucher ou La femme infidèle, remarquable cependant. Ce film démontre que Chabrol était un cinéaste au service d'un bon scénario, celui-ci étant un parfait modèle de ceux qu'on écrivait à la Warner entre 1940 et 1955, ayant donné des films tels que Laura, Assurance sur la mort ou Le roman de Mildred Pierce. Des intrigues bien ficelées qui exploitent pleinement chaque personnage, même le plus petit, et où chaque situation fait progresser l'histoire en même temps qu'elle dévoile un peu plus le caractère de chacun. Ici, nous y sommes en plein. Ludivine Sagnier, magnifique petite arriviste pleine de candeur et d'arrogance dans le rôle de la victime expiatoire d'un monde d'apparat peuplé de gens infâmes, cette bourgeoisie que Chabrol met à nu dans tout ce qu'elle a d'ignoble depuis ses premiers films. Ici le milieu littéraire provincial, débauché, suffisant, croise une fortune familiale de l'industrie pharmaceutique, dont l'héritier est un dingue, superbement campé par Benoit Magimel. La direction d'acteur est d'une précision chirurgicale, et permet à une actrice moyenne, voire médiocre, comme Mathilda May, de donner le meilleur d'elle-même. Quant à la tirade larmoyante, et diabolique, de Caroline Sihol, c'est une des plus belles performances d'actrice du cinéma chabrolien. La mise en scène est élégante, millimétrée, tout en étant invisible, Chabrol ayant toujours pris soin de ne jamais interposer sa caméra entre le spectateur et lui. Beaucoup de jeunes maniaques du travelling gratuit se grandiraient à regarder les films de Chabrol. De ces films profonds et sombres à l'esthétique impeccable, teinté de cet humour dont Chabrol savait si bien user autant dans ses films qu'en entretien. Une pièce de collection majeure. De la belle ouvrage. Chabrolissime.