Une fois n’est pas coutume, le tonton flingueur en chef du cinéma français, Claude Chabrol, débarque sur les écrans en été. Celà signifie-t-il une relâche de sa part ? Pas du tout, puisqu’il n’a pas oublié de faire une place pour le vitriol dans sa valise, à côté de sa “Fille coupée en deux”. Un titre aussi beau qu’énigmatique, qui évoque la magie, ou le crime. Ce que le générique, baigné d’une lumière rouge-sang et accompagné d’un air de Turandot qui préfigure une tragédie, semble nous confirmer, jusqu’à ce qu’une main vienne éteindre l’auto-radio diffusant la musique, comme un avertissement à nous méfier des faux-semblants qui seront de légion dans le nouveau film de l’auteur de “La Cérémonie”, malicieusement situé dans le milieu de la télévision.
C’est dans ce secteur que la jeune Gabrielle Deneige débute sa carrière, comme Miss Météo d’une chaîne lyonnaise, jusqu’à sa rencontre avec l’écrivain Charles Saint-Denis, et le riche héritier Paul Gaudens, passablement déséquilibré. C’est, du moins, l’impression qu’il donne en public, puisque Chabrol présente son trio central au travers de prismes déformants, insistant sur le contraste entre l’image de chacun, et sa véritable personnalité : Gabrielle n’est finalement pas “blanche comme Deneige”, Charles a des mœurs plus que douteuses, tandis que Paul peut être moins arrogant. Mèche blonde rabattue sur les yeux, et sans cesse à deux doigts de la caricature, Benoît Magimel nous livre une performance schizophrène plus que remarquable, aux côtés de l’omniprésente Ludivine Sagnier (déjà dans “Molière” et “Les Chansons d’amour” cette année), également très bonne en obscur objet de désir des hommes qu’elle fait tourner en rond. Derrière l’œilleton de sa caméra, Chabrol ausculte une fois de plus la violence des rapports de classe, avec un film drôle et acide, traversé de teintes rouges et d’humour noir, mais qui se rate sur le final, sur-symbolique, sans toutefois remettre en cause la qualité de son nouveau tour.