PS : I Love You... Comme ses camarades, il n'a pas envie d'être là. Il n'a pas envie de se coller une grenade sur le cœur pour échapper au déshonneur. Il veut juste rentrer chez lui, revoir sa femme et poser la tête sur son ventre rebondi pour parler à son bébé. Ce n'est pas un GI, c'est un Japonais. Là est toute la force, la subtilité du cinéma de guerre de Lettres d'Iwo Jima, seconde partie (sans ordre de visionnage stricte) du diptyque "Mémoires de nos pères / Lettres d'Iwo Jima" de Clint Eastwood, qui veut se mettre dans la peau du camp adverse à celui qu'on représente en boucle (les américains, vainqueurs du Pacifique), pour montrer que finalement, rien n'est noir d'un côté et blanc de l'autre, tout est gris. Gris comme le filtre utilisé par Clint Eastwood, très joli visuellement en laissant poindre de rares couleurs (une médaille rouge, une mallette marron...), et laissant pleinement le spectateur profiter des flashbacks toutes couleurs ensoleillées sorties, pour souligner les joies de ces bons moments passés que se rappellent les soldats dans leurs derniers instants de vie. Le film aime bien dégainer du pathos dans ses séquences de caractérisation des personnages (le but : nous faire adopter les personnages en trente secondes chrono), avec un brave toutou et un bébé en atouts dans la manche du scénario (et ça marche). L'interprétation est vraiment très bonne, on découvre des acteurs très agréables, Kazunari Mimoniya (Saigo) et Ken Watanabe (le Général) en tête, et on s'accroche à leur personnage en se moquant ouvertement de ce que les manuels d'Histoire auront à dire de la véracité des évènements : comme toujours avec le cinéma historique, si vous ne voulez pas de rajouts à des fins dramatiques et narratives, Arte vous tend les bras (ou Historia, si vous avez le câble). Rien n'empêche d'ailleurs de faire un rapide saut sur internet, et on découvre que si Saigo n'a pas existé, le reste de l'œuvre se base sur l'autobiographie du Général, avec ce que le point de vue interne du narrateur implique (chacun se fait sa vérité, se rappelle de ce qu'il peut), aussi cela appuie notre volonté de vouloir simplement acquiescer face au discours de tolérance, de compassion, envers celui qui se trouve dans la tranchée d'en face. On voit la débâcle, la peur, l'embrigadement par la propagande bien apprise et sue par cœur, les seppuku (suicides pour l'honneur), les dernières volontés de ces Hommes... Et ces lettres. Surtout l'histoire de ces lettres, que chacun écrit à ce qui le raccroche encore à la vie (femme, mère, dessin d'un beau souvenir), interchangeables entre cultures (les Japonais qui lisent avec émotion la lettre de la mère d'un GI) tout bêtement car l'amour de sa famille n'a pas de nationalité, pas de frontières, chaque soldat est pareil au pauvre gus qui court vers sa mort avec un casque mal fagoté, se demandant seulement ce qu'il fait là. Clint Eastwood n'a pas grand chose à faire de passer pour mielleux avec ce discours bienpensant, et quand on essuie bon nombre de films américains patriotiques de la Seconde Guerre Mondiale (coucou Midway), on rejoint le discours de tolérance avec grand plaisir. La mise en scène est excellente, les scènes choc affluent (
la bombe qui n'explose pas, le soldat défiguré de dos, le puit de feu descendant - incroyable scène -, les suicides...
), les effets spéciaux donnent des leçons de savoir-faire aux blockbusters (le film a coûté 19 millions de dollars seulement... Impressionnant.), la musique est soutenue, et on arrive vite à aimer ce héros qui n'en est pas un (les personnages les plus intéressants chez Eastwood). Lettres d'Iwo Jima n'est pas un film de guerre pro-USA, c'est un constat déchirant que, quelque soit la forme du casque, dessous se trouve un gars terrorisé qui veut juste rentrer chez lui, et donner sa lettre en main propre pour pouvoir effleurer ceux qu'il aime.