Quand un réalisateur ou un scénariste s’attaque principalement à la création d’un film sur la seconde guerre mondiale ou une guerre quelconque, il a pour habitude de se centrer sur la vision de la guerre vue par son propre pays, il n’y a qu’à voir "Platoon" de d’Oliver Stone qui est centré sur la guerre du Vietnam et réalisé par un ancien soldat qui était sur le front. Mais Clint Eastwood, dont c’est le neuvième film que je regarde, a eu l’idée brillante de faire deux films sur une bataille de la seconde guerre mondiale en réalisant deux film : l’un étant vécu par les soldats américains, et l’autre par les soldats japonais, et de cette idée sont naît deux grands films, "Mémoires de nos Pères" et "Lettres d’Iwo Jima", et c’est du second film dont je vais parler, et honnêtement je ne peux pas dire que j’y ais été insensible et je mentirais si je disais que je ne veux pas voir "Mémoires de nos Pères" après avoir vu la vision japonaise sur cet évènement. Mais pour une fois je ne parlerais pas du casting en premier lieu, je vais d’abord m’intéresser à l’histoire et au contexte qui nous est représenté à travers les personnages, leurs actions et la mise en scène d’Eastwood. Et franchement, c’est assez surprenant de voir un film aussi réaliste et aussi fort d’un point de vue émotionnel, les personnages ne sont pas glorifié (sauf peut être celui du Général Tadamichi Kuribayashi) ou porté comme des héros et il n’y a aucun aspect de manichéisme entre les deux camps, car en temps de guerre les atrocités sont courantes dans les deux camps et l’innocence n’a pas sa place. On nous montre clairement que la guerre influence les mentalités et les mœurs des personnages, que ce soit les sous-généraux aux services de Kuribayashi qui ont leur propre vision de l’honneur et qui sont opposés aux directives du général, les simples soldats que l’on apprend à connaître au fil de la bataille et durant la mise en place narratif, d’ailleurs cette dernière est très bien scénarisé et prend le temps qu’il faut pour introduire les deux principaux personnages et certains protagonistes plus secondaires comme le colonel Takeichi Nishi
(même si le personnage réel avait un antagonisme avec Kuribayashi)
, Nozaki et Okubo, ou encore le jeune Shimizo Yuichi, on apprend à les connaître en essayant de se mettre à leur place en tentant de se dire « Comment réagirait-on à leur place quand on sait qu’on va bientôt mourir ? ». La vision de la guerre, que ce soit sur le front ou sur le terrain civile est très intéressant à connaître, et permet de comprendre à quel point la guerre peut nous déshumaniser et rendre l’homme sauvage, violent et monstrueux à travers plusieurs scènes ébranlant et vraiment horrible à voir
le meurtre d’un chien sous prétexte que ses aboiement brouillent les communications japonaises qui est juste immonde mais n’est pas montré à l’écran et ne joue que sur les bruitages de la famille en pleur et du coup de feu, l’acharnement ultra violent de trois soldats japonais sur un seul soldat américain qui est brutalisé à mort avant d’être poignardé à la baïonnette, le meurtre gratuit de prisonnier japonais par les américains, le manque d’eau potable sur l’île et la maladie qui y régnait,
est-ce que j’ais vraiment besoin d’insister sur le fait que tout ça est juste horrible ? Et à l’écran ça n’en est que plus horrible à voir, et ça l’est encore plus quand on sait que tout cela est réel, c’est ça la guerre dans notre monde et que ce soit dans un camp ou dans l’autre, on ne peut pas nier la réalité, n’importe lequel d’entre nous pourrait être à la place de certains protagonistes de ce film. La mise en scène, bien que classique comme dans la plupart des films d’Eastwood mais particulièrement esthétique et maîtrisé, rend plusieurs de ces scènes que plus fortes et puissantes comme
le plan sur le mur d’une grotte ou l’on voit la baïonnette dans la main d’un soldat japonais l’enfoncer dans le corps d’un américain et la suivante ou elle est retiré pour qu’une flaque de sang retombe sur une partie de mur éclairé par une lampe de la grotte, ce genre de plan n’est peut être pas rénovateur mais c’est toujours une scène insupportable à voir mais qui est fait pour être insupportable justement.
Mais sa mise en scène nous propose aussi de magnifique plan sur l’île d’Iwo Jima et des plans larges sur la flotte américaine avec une grandeur d’échelle bien géré, et franchement quand j’entend dire des gens dire qu’Eastwood est un réalisateur inintéressant ou un mauvais cinéaste, je ne peux pas comprendre comment on peut le critiquer à ce point quand on voit une mise en scène aussi travaillé qu'ici. D’ailleurs, la scène la plus émouvante de tous est sans aucun doute celle là
: Kuribayashi et les survivants entendent grâce à la radio un chant des enfants de Nagano, son village natal, le plan est centré sur le général qui finit par craquer et tomber en pleur dans un silence harmonieux uniquement coupé par la chanson qui passe à la radio.
C’est tellement émouvant qu’elle en a fait et en fera encore craquer plusieurs en voyant ce film, avec moi ça a eu l’effet qu’elle devait avoir. Et la photographie du film le rend plus beau encore et on voit qu’Eastwood a judicieusement décidé de jouer sur la nuance de couleur avec le filtre gris pour rendre ce film plus proche de son contexte historique, et ça n’en est que mieux car on se sent plus proche du contexte ou évolue ces évènements. Ken Wanatabe et Kazunari Ninomiya sont tout deux excellent, le premier étant le plus américain des asiatiques jouant le général Kuribayashi et l’autre interprétant le soldat de classe inférieur Saigo. Watanaber avait le physique parfait pour le personnage mais aussi la prestance nécessaire pour donner vie au grand général japonais de la bataille de l'île d'Iwo Jima, et Ninomiya interprétait probablement un personnage inventé pour l'histoire (ou alors il a existé mais rien n'est sur personnellement) mais son histoire par contre est réaliste, montrant l’enrôlement de civil japonais contraint de participer à la guerre, même les plus jeunes n'y échappait pas hélas. Tsuyoshi Ira était très bon également et attachant dans son interprétation, Ryo Kase n’était pas en reste non plus, et le reste du casting japonais était très bon aussi, en fait je ne connais quasiment aucun acteur japonais à part Ken Wanatabe donc je ne vais pas m’attarder trop longtemps là-dessus. On s’intéresse aux points de vue des deux personnages principaux non seulement sur le terrain, mais aussi à travers leur flash-back et les lettres qu’ils partagent et qui sont récité oralement lorsqu’ils ont des scènes intimistes lorsqu'ils sont seuls, avec en fond la musique de Kyle Eastwood et Michael Stevens qui se fait très discrète pendant tout le film mais arrive toujours au bon moment lors des scènes qui se veulent émotionnelles et ça marche à merveille. Mais ce qui est plus bluffant encore, c’est que les acteurs n’en font jamais trop et leur personnage non plus, le réalisme domine amplement que ce soit lors des scènes de batailles et de l’écriture des protagonistes qui peuvent être aussi méprisable et haïssables qu’attachant, touchant et qui parfois force notre admiration pour eux.La seule chose que l’on pourrait lui reprocher, c’est les rares mais insignifiantes petites longueurs du film mais qui sont assez supportables comparé à tout ce qu’il y a à découvrir et à apprendre en visionnant cette retranscription de la bataille d’Iwo Jima vu par les soldats japonais.Lettre d’Iwo Jima est donc, à mes yeux en tout cas, un des films de guerre les plus beaux et les plus forts que j’ais pu voir malgré ma réticence pour ce genre cinématographique, et une fois de plus Clint Eastwood me surprend et arrive à me faire vivre un grand moment de cinéma avec un film touchant et intelligent qui mérite notre considération, bravo papy Eastwood et merci pour tout ce travail (il s'est quand même rendu au Japon pour rencontrer les descendants des personnages historiques du film et il a tourné à la fois sur l'île d'Iwo Jima et en Islande pour les scènes de bataille sans compter qu'il travaillait avec des acteurs japonais dont il ne parlait pas leur langue, on ne peut pas dire qu'il n'a rien foutu pour faire ce film). Sachez que je critique ce film sans avoir vu Mémoires de nos pères, mais rassurez vous, je le verrai très vite pour en avoir un avis définitif et comparer les deux films cette fois-là.