Qui a dit que les remake américains de films français étaient tous mauvais ? Moi, je dois bien l'avouer, je l'ai dit à plusieurs reprises et c'est bien souvent le cas, notamment lorsqu'il s'agit de remaker des comédies françaises ; "True Lies" étant, à ma connaissance, la seule exception. Mais on s'égare un peu trop du sujet puisque, tout d'abord, il s'agit là d'un drame et non d'une comédie et puis surtout, le réalisateur, William Friedkin, a précisé qu'il s'agissait d'une seconde adaptation et non d'un remake au "Salaire de la peur" de Clouzot. Bon il me semble que c'est plus pour une histoire de droits qu'il a dit ça mais force est de constater que l’œuvre se différencie pas mal du film d'Henri-Georges Clouzot, notamment dans sa première partie, et n'ayant pas lu le livre dont sont tirés les films, je ne pourrai pas dire lequel est le plus proche de l’œuvre originale. Mais enfin bref, si Clouzot avait passé quarante minutes à nous montrer des relations et des dialogues autour de limonades dans un café pourri et notamment entre les deux personnages principaux, Friedkin, lui, préfère nous présenter "la vie d'avant" des personnages principaux. Et ça change pas mal de choses. Et oui, dans cette adaptation, on oublie complètement le gros sous-texte gay, les personnages étant définis cette fois de par leurs actions passées et non plus de par leur relation. En fait, Friedkin met l'accent ailleurs et c'est une bonne chose, ça évite la redite, mais seulement, on n'a ici jamais le temps de s'attacher aux personnages. Alors certes, la première partie du "Salaire de la peur" est peut-être un peu longuette mais au moins, on connait les personnages, on sait qui s'apprécie et qui ne s'apprécie pas, permettant de rendre ce dangereux voyage d'autant plus prenant. Ici, et comme beaucoup de remakes américains, le réalisateur a choisi de se tourner vers le spectaculaire. Alors oui, nous avons des scènes bien plus impressionnantes que dans le premier film, comme celle du pont qui est particulièrement haletante et surtout superbement réalisée. Mais d'un autre côté, on n'a pas ce côté dérangeant très appuyé par le film français, on n'a presque que du spectaculaire finalement. Puisque de plus, la scène d'introduction présentant tous les personnages est bien trop brouillonne pour que l'on n'en retienne quoi que ce soit, mois-à-part peut-être le passé du banquier qui est un peu plus développé que ceux des autres. Eh oui, il est difficile d'explorer le background de quatre personnages en seulement quelques minutes. Ainsi bon, ça ne nous aide pas vraiment à rentrer dans le film et surtout, ça ne sert jamais vraiment l'intrigue, sauf pour créer des flashbacks en surimpression un peu pourris. Cependant, le réalisateur fait de son mieux pour nous offrir sa propre vision du livre (ou du premier film de Clouzot, chacun voit midi à sa porte) et si on peut parler de remake, on peut également parler de film complètement différent qui ne vise pas du tout les mêles buts. Et pour son côté, encore une fois, spectaculaire, pour sa mise en scène d'une Amérique du Sud profondément crasse, corrompue et suintante de pauvreté, pour ses plans magnifiques etc., le film est réussi. Le film est, comme dans le premier, porté par des acteurs de talent dont Roy Scheider, Bruno Cremer, Amidou et Francisco Rabal qui parviennent à rendre le tout très crédible et surtout à rendre leur personnage malgré tout attachants, comblant alors les lacunes d'écriture à ce niveau-là. "Le Convoi de la peur" reste donc globalement un bon film, même en comparaison à son ainé français.