Dans la catégorie des bons remakes, Le Convoi de la Peur est probablement au sommet. Avec l'aval de Henri-Georges Clouzot, réalisateur du Salaire de la Peur, William Friedkin signe ici l'un de ses plus beaux films et par la même occasion donc un remake puissant qui s'affranchit de son prédécesseur grâce à une identité propre. Le réalisateur de L'Exorciste a une patte, un savoir-faire, mélangeant une mise en scène réaliste à un univers fantastique. Aussi est-il le choix idéal pour remettre en scène cette histoire sous tension où quatre hommes qui n'ont plus rien à perdre vont effectuer un voyage suicidaire à bord d'un camion rempli de nitroglycérine... Reprenant le pitch de Clouzot lui-même inspiré du roman de Georges Arnaud, Friedkin l'agrémente à sa sauce et en fait une œuvre incroyablement dense, surréaliste, unique. Son goût prononcé pour le cinéma fantastique se fait ici totalement sentir et l'on découvre peu à peu le film comme un mélange de genres maîtrisé avec une rare finesse. Alternant tour à tour entre le cinéma d'aventure pure et dure, le thriller nerveux et même le cinéma horrifique, Le Convoi de la Peur est d'une efficacité renversante. Imaginez les personnages du Bon, la Brute et le Truand, des gueules patibulaires suintant comme jamais, dans un périple sans fin où ils sont dévorés par un monstre sanguinaire aux allures de forêt diabolique. Emmitouflé dans une atmosphère lugubre, sale et étouffante où le silence laisse parfois place à des murmures effrayants, le film nous terrasse du début à la fin. Le film se découpe en plusieurs chapitres, de la présentation séparée des personnages principaux à leur vie infernale dans un bidonville chilien puis avec cette traversée éprouvante au fin fond de la jungle, jungle qui semble décidée à les éliminer. Le décor est ainsi un personnage à part entière, Friedkin ayant déniché des endroits absolument surréalistes. Autres personnages emblématiques du film : les deux camions utilisés pour la traversée, deux monstres de ferraille que l'on croirait vivants, le metteur en scène parvenant par on ne sait quel miracle à les rendre à la fois menaçants et capricieux. Que dire d'autre ? La photographie est remarquable, la musique joue habilement avec nos nerfs, l'interprétation est stupéfiante, d'un Roy Scheider devenant de plus en plus fantomatique à notre Bruno Cremer national imposant comme jamais, le rythme ne faiblit jamais et l'histoire prend son temps pour nous immiscer dans une rare noirceur, le film commençant et finissant de manière désespérée. Le Convoi de la Peur est une leçon de cinéma, un chef-d'œuvre injustement boudé à sa sortie et tombé trop longtemps dans l'oubli alors qu'il est un film d'aventures sans pareil et l'un des seuls remakes à surpasser l'original, Friedkin transformant le film original en une épopée ténébreuse de bout en bout.