Eh beh ! Ça pourra paraître stupide pour certains ce que je m’apprête à dire, mais découvrir ce « Sorcerer » en 2015 m’a refilé un petit choc, comme une révélation. Après l’avoir vu, je me suis dit que, formellement, il y a vraiment quelque-chose qu’on a perdu depuis les années 1970 - 1980. L’image est juste magnifique. Ce n’est pas de l’image lisse aux couleurs irréelles. C’est de l’image qui transpire, qui suinte, qui a du corps. On ne s’égare pas dans les fioritures : on restitue le produit de base en ne le transcendant qu’avec une habile science des cadrages, de la lumière, du son et du montage. William Friedkin est aux commandes et ça se sent. C’est carré, c’est léché, c’est sophistiqué. Bref, je trouve que formellement parlant, le film est irréprochable. Après, il y a ce qu’il nous raconte. Et là, j’avoue que j’ai eu un peu plus de mal avec ce retour aux années 80. Pour le coup, j’ai mis du temps à comprendre les enjeux. D’abord nous présenter quatre clampins, à tour de rôle, sans aucun lien apparent, j’avoue qu’au départ je ne m’y retrouvais pas. Il a fallu attendre plus de vingt minutes avant qu’on nous dise que ces loustics avaient pour dénominateur commun celui de se retrouver au final au même point de chute, lancé dans un même pari fou et désœuvré : transporter un chargement hautement dangereux au péril de leur vie en échange d’une seconde chance. Alors OK, une fois le film fini, ça prend son sens de s’étendre ainsi sur le parcours de chacun. Mais bon, malgré tout je reste persuadé que s’il avait été un peu plus tard, ou du moins s’il s’était autorisé davantage de liberté à l’égal de son modèle français, il aurait pu tenter un récit par enchâssement plutôt que cette linéarité qui – décidemment – ne me convient pas du tout (Rah ! Le cinéma français ! Encore une fois c’est de ta faute ! Je te maudis !) Mais bon, c’est bien là ma seule réserve que je puisse avoir à l’égard de ce film car, en fin de compte, une fois lancée cette traversée de tous les dangers, je dois bien avouer que je me suis totalement pris dans la mécanique de ce film qui sait monter progressivement en puissance et en crudité jusqu’au générique final. Bref, belle expérience. Bon plaisir. Le pied quoi…