Le titre Hana-Bi renvoie au feu d’artifice, mais il est encore plus intéressant d’observer que les deux idéogrammes du titre sont les mots “fleur” et “feu”. Deux symboles qui, mis ensemble, résument bien l’atmosphère de ce film très particulier de Takeshi Kitano.
Ce long-métrage explosif et poétique mélange allègrement différentes intrigues et différents niveaux de lecture. Ceux-ci se complètent assez bien, grâce notamment à un montage très travaillé qui nous permet de toujours rester accrochés au récit, malgré les nombreux flash-back, flash-forward et autres ellipses. Au niveau scénaristique, cependant, je dois dire que j’ai plus de mal à m’intéresser au côté explosif, avec les yakuzas, le hold-up, les dettes à rembourser, etc..
Ceci s’explique aussi par le fait que je me suis véritablement passionné pour le côté poétique, celui qui concerne Kitano et sa femme, et leur dernier voyage dans les paysages japonais. On trouve là une superbe poésie du quotidien, où le plus banal peut devenir émerveillement. Des scènes pleines de vie, alors que l’ombre de la mort est omniprésente. La mort est comme peu à peu apprivoisée, et donne encore plus d’intensité à la vie, dans un beau mouvement de yin-yang. J’ai adoré aussi le thème des traces que les hommes laissent, des images qui restent après la mort, des photos, même ratées, et bien sûr des peintures, à travers le personnage de l’ex-flic qui se met à peindre. La façon dont Kitano joue avec toutes ces possibilités d’images est passionnante, et fait partie des plus belles propositions d’échange entre cinéma et peinture vue sur grand écran.
Les images évoquent la beauté, mais aussi la violence, et les deux se mélangent souvent. La violence est de fait omniprésente dans le récit. Kitano ne nie pas la violence du monde, mais cherche à l’accepter par différents moyens, par la création, et aussi par le jeu. Il y a un grand côté ludique dans le film, à travers plusieurs instants sans véritable rôle narratif, comme la balle de baseball ou le fusil pointé sur le passant avant le hold-up. Peut être est-ce là une métaphore du cinéma de Kitano : un jeu qui permet de relativiser nos pulsions de violence?
En tout cas, on peut y admirer une mise en scène très travaillée sur la représentation de la violence à l’écran : un mélange entre explosion et concentration, entre pure beauté et pure cruauté, entre humour et tragédie, entre violence réellle et violence artistique. Le raccord entre le coup de feu et la tache de peinture rouge est une sublime cristallisation de tous ces enjeux.
Bref, Hana-Bi est un film passionnant sur tous les niveaux, peut être un petit peu inégal, mais contenant de nombreuses explosions de pure beauté.