La première fois que j’avais vu ce film, je ne l’avais pas du tout aimé, sans doute en raison de l’absence de happy end (enfin ça dépend pour qui…). Et puis, je l’ai découvert dans sa version longue, ce qui a le don d’apporter des précisions sur le caractère des personnages et leur histoire. Peu à peu, j’ai appris à apprécier "Le grand bleu", qui est aussi un hommage rendu à l’océan, ainsi qu’au véritable Jacques Mayol, lequel se suicidera 13 ans plus tard. "Le grand bleu" aurait donc pu être un biopic, mais la biographie du plongeur a été laissée de côté au profit des sensations ressenties en plongée. Avec ses 50 minutes supplémentaires, la version longue est plus aboutie, et on regrettera un peu le début en noir et blanc, car nous ne pouvons profiter des couleurs chatoyantes que seul les fonds marins nous réservent. Cela dit on comprend, aussi la projection en couleurs dans un monde plus vieux de 20 ans est remarquée et facile à digérer. Jacques Mayol, depuis son enfance, est en rivalité permanente au guttural Enzo Molinari (Maiorca dans la vraie vie) et superbement campé par Jean Reno décidément haut en couleurs. D’ailleurs Enzo Maiorca tenta de faire interdire le film en Italie, considérant qu’il donnait une image désobligeante de lui. Qu’à cela ne tienne, et malgré un accueil cruel de la part de la critique lors du festival de Cannes, "Le grand bleu" aura un immense succès commercial, y compris outre-Atlantique, et devient un film culte en attirant plus de 9 millions de spectateurs rien qu’en France. Il remportera même 2 Césars en 1989 sur 8 nominations. Jean-Marc Barr, nominé, nous sort ici le meilleur rôle de sa carrière en campant un personnage qui refuse de grandir, en tout cas un personnage bien plus ouvert au monde des dauphins qu’au monde des humains. Comme je le comprends parfois… Jean Reno, lui aussi nominé, nous sort un personnage dont lui seul a le secret, un personnage haut en couleurs comme je l’ai dit plus haut, jovial tout en étant énigmatique et qui veut asseoir définitivement sa suprématie sur son rival (et ami ?) de toujours. Quant à Rosanna Arquette, une des américaines les plus françaises, elle nous sort une interprétation sans faille en parvenant à faire passer les émotions à travers l’écran, en jouant un personnage auquel toute femme en proie à de forts sentiments peut s’identifier, et confirme que les sentiments ne se commandent pas. Et que dire de Jean Bouise en oncle Louis, ou encore de Sergio Castellitto en Novelli perpétuellement stressé, si ce n’est qu’ils sont parfaits eux aussi ? L’image volontairement bleutée par moments peut déranger, mais je suppose que c’est pour mieux se plonger dans le monde particulier dans lequel évolue Jacques Mayol. Les paysages sont magnifiques et Luc Besson parvient à nous faire profiter de panoramas inoubliables, sans compter la photographie qui n’est pas mal non plus. La musique coïncide à merveille à chacune des scènes, le premier moment fort étant la tension formidablement ressentie lors du sauvetage d’un plongeur dans un bateau échoué. Ce drame nous réserve cependant de bons moments d’humour, que ce soit la Fiat 500 bien pourrie du plongeur italien, ou encore plus drôle, le plongeur japonais qui, à défaut de plonger dans le grand bleu, plongera dans les tourments d'une trop grande hyper-oxygénation. Tout cela donne une vraie leçon d’humilité, à tous les étages. En effet, chaque personne est différente et nul ne peut en décider autrement, ce qui est bien représenté lors de la scène finale ponctuée par une dernière parole : "Go and see my love".