Pourquoi ce film qui donne honte du cinéma français est-il en train de remplir les poches de Guillaume Canet ?
Sans doute parce qu'une partie des gens vont au cinéma pour gober une pilule de catéchisme bien-pensant en accord avec "l'air du temps".
Le scénario tient sur un papier-mouchoir : des petits bobos nettement plus aisés que la moyenne (maison au Cap-Ferret, voiture nickel, coach sportif, portable dernier cri de la marque à la pomme), s'obstinent à gâcher leurs vacances parce qu'il leur manque "l'intelligence du coeur" : ils "ont" (de l'argent) mais il ne savent savent pas "être".
La faute essentiellement aux mecs hétérosexuels auto-centrés : l'un est un patron stressé et obsessionnel qui n'écoute pas assez sa femme qui lit "les cinq accords toltèques" ; l'autre est un kiné homosexuel-refoulé qui enferme sa femme dans la frustration, alors qu'elle se démène à porter de la lingerie sexy ; un autre est un mec grand sensible, prisonnier de ses films affectifs, mais du coup pas assez à l'écoute de la détresse des autres ; le dernier, un grand macho, qui plante ses proies sans ménagement, mais que sa copine trompée hyper-classe vient larguer en ayant l'élégance de prendre l'avion.
Bref, tous ces personnes caricaturaux normalement insupportables à tout spectateur viennent brosser le spectateur dans le sens du poil : il est tellement facile de les regarder de haut, de voir cette dimension "humaine" qui manque tant à leurs vies !
Ainsi, toute la partie du film s'acharne, scène après scène, à nous enfoncer la même idée dans le crâne : faute d'empathie, d'altruisme, la gentille promenade en bateau devient tendue, on dort mal, etc... alors qu'on aurait tout pour être heureux !
Ce film est donc un film pour les lectrices de Psychologie Magazine : ouvre toi aux autres ! libère tes chakras ! dis non à la frustration et au stress ! Et surtout, continue à contempler ton petit nombril, à croire que le monde se résume à ton petit cercle d'amis, et rêve surtout d'un idéal de vie qui serait des vacances permanentes...
Les bobos sont parfois critiqués en sourdine pour leurs excès (coach sportif verbeux, obsession du bio, etc), mais jamais leur morale fondamentale n'est égratignée : ce qu'il faut c'est simplement la débarrasser des "conflits", du "stress" et revenir au goût des choses simples, façon Herta.
Remarquons ensuite que les femmes sont plutôt "plus positives" que les mecs : il faut les flatter, ce sont elles qui se pâment essentiellement devant ce "feel good movie". Même si les personnages féminins sont parfois un peu à côté de la plaque sur le plan affectif, c'est bien Marion Cotillard par exemple qui va appeler le malade sur son lit d'hôpital, dans une scène interminable. Ce sont elles qui essayent de tempérer les grosses et méchantes brutes égoïstes.
Si ce film a déjà atteint les 2 millions d'entrées, c'est donc évidemment en partie à cause du battage médiatique, et du capital sympathie de Guillaume Canet. Mais c'est sans doute aussi parce qu'il correspond à la morale à deux francs d'un bon nombre de Français : aucune aspiration à jouer un rôle dans le monde, à dire quelque chose du monde, mais seulement chercher une bonne petite vie pépère avec ses friends.
Ce film mérite donc un bouche-à-oreille négatif : n'allez pas le voir simplement par curiosité ou parce qu'on en parle. Y aller c'est faire croire que le petit Français est définitivement tombé dans une morale de bonne-soeur reconvertie bobo, alors qu'il y a tant de films excellents à aller voir, comme "the social network" par exemple.