Rarement j'aurais autant mis de temps à voir un film qui se trouvait en ma possession, et j'ai finalement regardé Les petits mouchoirs en derniers recours, quand je n'avais plus rien d'autre sous la main. Et pour cause, malgré un succès public indéniable, déjà assuré par la distribution prestigieuse, bien des spectateurs pointaient du doigt ce troisième film de Canet comme un film soit beauf, soit bobo. Deux manières d'être a priori incompatibles mais que rapprochent la même imbécillité, c'est-à-dire la même autosatisfaction permanente, le même refus d'ouverture et de lucidité. Deux attitudes fermées que je déteste tout autant l'une que l'autre. J'étais en plus un peu échaudé par Mon Idole et Ne le dis à personne, films dans lesquels Canet s'avérait tour à tour trop toc et trop effacé. Puis enfin et surtout, les 2 heures 23 de pellicule me faisaient un peu peur, craignant qu'elles matérialisent un traitement étiré d'un sujet de base qui n'appelait pas à tant de développement. Sur ce point, j'avais raison, tant certaines longueurs viennent gêner la progression des Petits Mouchoirs. Mais pour le reste, j'ai eu une agréable surprise. Car si on ne peut se cacher les travers de personnages un peu lourdauds, autocentrés, antipathiques, et derrière lesquelles on peut sentir l'ombre d'acteurs qui en quelque sorte s'auto-incarnent, la mise en scène ne se le cache à aucun moment. Et c'est enfin en parlant égoïstement, de lui-même et de sa perception de l'amitié, forcément corrélée au milieu aisé et aveugle aux privilèges dont il jouit qu'il fréquente, que Canet se livre réellement en trouvant bien plus de vérité et d'âme que d'habitude. Vraiment, l'agacement provoqué par ses personnages de têtes à claques, le long-métrage en fait amende honorable et se propose sincèrement de livrer sa vérité, ramenant immanquablement dans son cercle celui qui sait lui pardonner ses défauts. Et s'il y a mauvaise foi, elle est bien du côté du public, celui qui se refuse justement à comprendre que Guillaume Canet est conscient des côtés les moins beaux de ses personnages, et appelle même exactement à changer les parts de nous qui leurs ressemblent pour préserver l'amitié comme le pilier émotionnel dont nous avons tous besoin. Faire un procès d'intention pour vanité à un film humble, voilà bien qui m'échappe. Mais qu'importe, les avis trompeurs que j'avais un peu trop laissé orienter ma vision n'ont pas réussi à me gâcher un moment dans l'ensemble plutôt agréable, bercé par le talent de Canet pour la mise en scène, qui finit enfin par trouver un matériau sur lequel s'exprimer sans tourner à vide de manière mécanique. Le casting, inégal, tient quand même son rang, François Cluzet en tête. Et si Les petits mouchoirs peut s'avérer par moments prévisible, il sait souvent apporter du neuf. Malgré quelques passages trop tire-larmes et une nette tendance à un étirement superflu, Guillaume Canet finit donc par donner un peu de cœur à un cinéma qui en manquait tellement, signant là incontestablement son meilleur film, d'autant plus à préserver aujourd'hui que Blood Ties a démontré par la suite qu'il ne se ré-impliquerait sans doute pas autant de sitôt.