J'adhère totalement aux propos de Rachid Bouchareb et de Benjamin Stora lorsqu'ils disent qu'un film est avant tout une fiction et que celle-ci n'est pas forcément tenue d'être rigoureuse vis-à-vis de l'Histoire. Malgré tout, je pense qu'en retour, on peut aussi adhérer à mon propos qui consiste à dire qu'on a le droit de détester un film quand il fait dire n'importe quoi à l'Histoire. Et le pire concernant cet "Hors-la-loi", c'est que j'ai l'impression que Rachid Bouchareb n'a même pas totalement pris conscience de ce qu'il avait fait, ou du moins, peut-être en a-t-il eu conscience qu'après coup. Sûrement la volonté de l'auteur était de poursuivre dans la lignée de son "Indigènes" (que j'avais aimé d'ailleurs), et de se lancer dans un nouveau plaidoyer à l'égard de ceux qui ont souffert des injustices de l'Histoire. Le problème, c'est qu'à mon sens, il a adopté sur cette question le pire regard qui soit pour un artiste : le regard biaisé et manichéen. Dès l'introduction et les massacres de Sétif, le film réoriente totalement le propos. Il transforme un dérapage policier en massacre planifié à la "Oradour sur Glane" ; il montre une figure monolithique du colon blanc comme participant à la tuerie tandis que de l'autre côté, les indigènes défilaient pacifiquement, se dispersant ensuite en foule apeurée, oubliant au passage de mentionner les massacres menés par certains d'entre eux sur les populations pieds-noirs, notamment les viols, les émasculations et j'en passe. Et pouf ! Juste derrière, le bon Jamel Debouzze, après avoir vécu ça, voit les premiers attentats de la Toussaint Rouge en se disant "mais en fait, cette vengeance est légitime !" Alors OK, c'est de la fiction, on fait dire ce qu'on veut à l'Histoire. Mais ce qui est quand-même gênant, c'est que l'esprit de cette intro porte tout le film. Jusque dans les bidonvilles de Paris, le FLN est une armée de gentilles personnes qui hésitent vraiment à torturer, et encore c'est vraiment quand on les force ! ça, ce n'est plus de la dramaturgie, c'est de la propagande, pure et simple. Les Français c'était les méchants ; le FLN c'était les gentils. Et ce n'est pas le fait de mettre une blonde du côté des Algériens qui va changer quoi que soit à la trame de fond. Or, moi, ce genre de film et ce type de démarche, je ne le cache pas, ça me dégoûte. Et encore ! Je tiens à préciser que je suis né dans les années 1980 et que je ne suis absolument pas patriote dans l'âme ! Ce n'est pas ma France qu'on a blessé et qui me fait m'insurger. Ce qui me révulse, ce sont déjà ces films qui, sur n'importe quel sujet que ce soit, n'ont que pour seul message celui qui consiste à dire, "y'a des gentils d'un côté et de l'autre des méchants, et c'est normal que les premiers butent les seconds". En terme d'exploration du sentiment humain, j'ai connu mieux. Mais en plus, il faut que le gars le fasse sur un sujet super-sensible, qui ne peut que cautionner certaines haines et sentiments primaires auprès de certains d'entre nous. c'est totalement irresponsable. Donc, on me dira tout ce qu'on voudra sur "oui mais c'est avant tout une histoire de famille, une tragédie entre frères...", moi je répondrais systématiquement que non. Pour qu'on puisse commencer à prendre en considération cette part de l'intrigue, c'est qu'on n'a pas été choqué ou surpris par le propos politique tenu par ce film. Or, si ce n'est effectivement le cas, alors c'est plus que dangereux.