Remarquable. Mais bof. Hé oui. Avant de vous demander si je vais bien, je tiens à vous confirmer ce que je viens de dire : "remarquable mais bof". Bon d’accord, je m’explique avant de perdre mes lecteurs. Remarquable parce que la réalisation de Rachid Bouchareb est extrêmement soignée. Les prises de vue sont pour certaines intéressantes (vue par l’entrebâillement d’une porte en début de film lorsque la famille est chassée de ses propres terres). Des images d’archives ont été incorporées, et toujours à bon escient. La mise en scène, la direction des acteurs, il n’y a rien à redire non plus. La preuve : impossible de ne pas être gagné par l’horreur lors de la répression sanglante de Sétif du 8 mai 1945. Ce jour devait être une fête pour tous, et au lieu de ça… Impossible de ne pas ressentir un frisson léger vous parcourir. On sent un vrai travail de recherches, à travers une documentation poussée, soit par les archives, soit par les lieux où se sont déroulés certains événements pour en retrouver les éléments de décors. N’en déplaise à l’internaute cinéphile Pleymo210, le F.L.N. commence à peine à être évoqué alors que nous sommes alors rendus déjà en 1955 dans le film. Lors de la manifestation pacifiste de Sétif, les badauds criaient à la liberté de leur pays et à l’égalité des droits. Cela dit, j’admets que quelques libertés ont été prises par rapport à l’Histoire. L’image est très esthétique et la photographie intéressante. Et puis c’est l’occasion de voir Jamel Debbouze et Roschdy Zem littéralement transformés, alors qu’ils se font voler la vedette par Sami Bouajila, également méconnaissable (mais dans le bon sens du terme). Le tout est porté par une magnifique partition d’Armand Amar (maintenant que je sais qui est le compositeur, je comprends mieux), qui aurait dû finir le boulot de façon impeccable. Oui j’ai bien dit "aurait dû". C’est là qu’intervient mon "bof" du début de cet avis. Parce que la réalisation est trop inégale pour maintenir le spectateur dans la tension perpétuelle provoquée par la lutte armée clandestine. Et puis on sent bien que Rachid Bouchareb a un certain parti pris, faisant passer par le biais d’une réalisation manichéenne ses trois héros pour des victimes directes de la répression sanglante, sans jamais offrir le point de vue adverse. Si encore il y avait une vraie dimension émotionnelle, on aurait pu pardonner ce parti pris, ces erreurs historiques, et même ce manichéisme, pourquoi pas. Il devient alors pensable qu’on aurait pu louer cette histoire dans un contexte différent, parce que le point de vue était différent de ce que nous avons l’habitude de voir. Mais voilà : trop désireux de faire une grande fresque au titre racoleur, Bouchareb en devient fébrile, à tel point qu’il peine à mettre en place une romance qui n’a rien à faire là (c’est d’ailleurs très maladroit), et qu’on peut voir des incohérences. La plus évidente d’entre elles, et je suis étonné de voir que personne n’en parle (quoique je n’ai pas lu tous les avis des internautes), c’est celle-ci : comment Jamel Debbouze peut conduire une DS alors qu’il a perdu l’usage de son bras droit ? Il reste en première ? Aaaah oui, il doit avoir une boîte automatique ! Mais il me semble que... à moins que je ne dise des bêtises, la boîte auto n’est arrivée qu’en 1971 sur ces véhicules-là. Non ? Bref ! on s’en fout de toute façon, ce n’est pas ce détail qui avantage ou péjore ce film. Quoiqu’il en soit, cette chronique familiale au message politique oscille trop entre la fresque sociale, l’épopée, et le film de gangsters. Résultat : le spectateur ne rentre jamais dedans pour rester simple spectateur désincarné en attendant une hypothétique amélioration… qui ne viendra pas. Désolé, messieurs dames.