Il a fallu attendre 4 ans pour que Rachid Bouchareb revienne en salles après Indigènes. Rappelez-vous ce film de guerre français, qui dénonçait le côté « chair à canon » des soldats maghrébins qui combattaient pour notre pays durant la Seconde Guerre mondiale. Un film marqué par le prix de l’interprétation masculine au festival de Cannes 2006 pour ses 5 acteurs principaux (Sami Bouajila, Jamel Debbouze, Samy Naceri, Roschdy Zem et Bernard Blancan). Et également César du meilleur scénario original en 2007. C’est donc avec impatience qu’in attendait son nouveau film. Bouchareb répond donc à notre attente en nous livrant des retrouvailles (Bouajila, Debbouze, Zem et Blancan sont là), sur un sujet équivalent (l’indépendance des Algériens). Malheureusement, Hors-la-loi est bien loin de ce qu’était Indigènes.
C’est beau de réunir la même équipe ! Encore faut-il ne pas s’en contenter ! Car oui, Hors-la-loi se montre au final sans intérêt. Celui d’Indigènes était de dévoiler à quel point les soldats maghrébins étaient des héros pourtant mis de côté à cause de leurs origines. Ici, Bouchareb voulait continuer sur cette voie en s’intéressant à un autre sujet historique : trois frères chassés de leurs terres d’origine qui vont prendre la tête d’un mouvement (politique ? mafieux, oui !) afin de mener une guerre civile en France afin d’obtenir l’Indépendance de l’Algérie. Un thème qui avait donc un but : celui de nous faire découvrir une période de l’histoire de France tout en voulant nous sensibiliser sur les faits passés. Seulement voilà, le scénario d’Hors-la-loi ne met jamais dans le mille ! Dès le début, le film indique directement que nous allons suivre une famille. Cela implique que le script propose des personnages travaillés, des situations émotionnellement prenantes. Eh non ! Rien de tout cela ! Ici, le fait de suivre le destin de trois frères n’est qu’un prétexte à mettre en scène cette guerre d’Indépendance « nationale ». Du début à la fin du film, nous assistons à un défilement rapide d’années durant lesquelles il va se passer quelques moments déplorables (comme le massacre de Sétif). Hors-la-loi se présente donc bien plus comme un diaporama pédagogique qu’un film. Sans enjeux dramatiques. Qui accumule les scènes sur 2h18, rendant l’ensemble longuet.
Et pourtant, ces fameux trois frères restent au centre de l’histoire ! Même si le scénario semble les oublier, le film suit leur parcours inlassablement. Ce qui dévoile à quel point Hors-la-loi possède une narration au plus haut point bancal. En effet, le film parait hésiter entre le bilan historique et le drame familial. Les relations qui vont devenir tendues entre eux, le devenir de chacun, leurs convictions politiques… Tant de détails scénaristiques qui ne sont finalement qu’effleurés. De ce fait, les protagonistes n’intéressent pas vraiment (malgré un jeu d’acteur incontestable de la part de Bouajila, Debbouze et Zem). Ils en deviennent même repoussants par moment (les voir tuer juste par conviction politique les met au niveau de bourreaux, ce que le film devait absolument éviter). Et comme si cela ne suffisait pas (pour montrer la maladresse du script), Hors-la-loi se termine comme si de rien n’était ! Depuis le début, on nous présente une famille, on tente de nous y attacher, de les plaindre, et puis plus rien ! Le film se termine sur une vision (bâclée) du massacre du 17 octobre 1961 à Paris, sans que l’on sache ce qu’il advient des protagonistes. Comme pour tout film historique, Hors-la-loi entame son générique de fin avec un texte résumant ce qui s’est passé par la suite. Mais en général, ce procédé permet de dire ce que sont devenus les héros de l’histoire. Là, rien ! Juste des conséquences de ces manifestations pour l’Indépendance algérienne. À quoi ça sert de mettre en avant des personnages si c’est pour les laisser sur le banc de touche de la sorte ?
Après, Hors-la-loi n’a pas que des mauvais côtés. Bon, avant de dire du bien, je voudrai terminer sur la mise en scène, plutôt plate, qui donne au long-métrage des airs de téléfilm historique qui pourrait aussi bien sortir directement en DVD que passer sur France Télévision ou Arte. Fort heureusement, à part un casting honorable, Hors-la-loi peut également compter sur sa reconstitution de la France d’époque (costumes, décors, accessoires, véhicules, détails quotidiens comme les infos à la radio et autres…). Et puis, le scénario a beau se montrer bancal du point de vue dramatique, son allure pédagogique n’en reste pas moins intéressant à suivre pour ce qui est de découvrir cette bataille pour l’Indépendance. Cela en devient presque un docu-fiction à gros budget !
Mais le résultat reste malheureusement le même : Hors-la-loi n’est pas la claque qu’avait été Indigènes. Le film s’étant plus dévoilé comme un cours d’histoire qu’un film prenant et mémorable. Du coup, Rachid Bouchareb perd de sa notoriété et l’attente de son prochain long-métrage en prend un coup !