S’il y a bien un cliché à la dent dure concernant les anime japonais, c'est celui de la prétendue ultra-violence inhérente à chacun de ces dessins animés. Dans son ouvrage Le ras-le-bol des bébés zappeurs (1989), l’ancienne ministre Ségolène Royal décrivait ainsi en ces termes les anime du Club Dorothée, coupables à ses yeux d'exercer une mauvaise influence sur la jeunesse française de l’époque :
Dans les dessins animés et les séries japonaises (...) tout le monde se tape dessus. (...) Le raffinement et la diversité dans les façons de tuer (explosions, lasers, commande à distance, électrocutions, animaux télécommandés, gadgets divers...) se sont accompagnés d'un appauvrissement des caractères, d'une uniformisation des héros, dont la seule personnalité se réduit à la quantité de cadavres alignés, ou à la couleur de la panoplie du parfait petit combattant de l'espace.
Ce jugement semble néanmoins avoir été révisé par bon nombre de parents au fil des années, alors que la consommation de mangas et anime japonais est désormais entrée dans les habitudes de nombreux français, notamment auprès du public adulte justement issu des générations Goldorak (fin des années 70) et Club Dorothée (début 90).
Le cas Luffy
Parmi les trois séries les plus populaires dans nos contrées, il est ainsi amusant de relever le nombre d’ennemis tués par chacun des héros de ces mangas. Commençons par Luffy, le pirate à la tête de l’équipage du Chapeau de paillle dans One Piece ! En raison de son sujet principal (la piraterie) et de sa longueur (101 tomes à ce jour disponibles chez Glénat, et plus de 1000 épisodes au compteur pour son adaptation animée), on pourrait légitimement penser qu'un grand nombre de méchants ont été occis par le héros élastique.
Et pourtant ! Aussi surprenant que cela puisse paraître, Luffy n’a tué AUCUN ennemi depuis le début de la série. Doté d’un bon fond, ce dernier a en effet pris pour habitude de n’achever aucun méchant, y compris les plus redoutables, car selon l’auteur du manga Eiichiro Oda, le jeune pirate souhaite laisser à quiconque la chance de pouvoir réaliser ses rêves.
C’est principalement pour cette raison que Luffy, malgré l’immense puissance de ses pouvoirs, n’a jamais voulu tuer le moindre de ses ennemis. Reste toutefois à savoir si cette promesse sera tenue jusqu’à la fin de l’oeuvre, le manga étant toujours en parution pour encore au moins quelques années.
Naruto et son nindô
Animé lui aussi par de profonds sentiments humanistes, Naruto n’a jamais tué d’ennemi lui non plus… à l’exception d’un seul adversaire, et ce de manière indirecte. Au cours de l’arc Pain (dans la série Naruto Shippûden), le jeune shinobi affronte Yura, un espion de l’Akatsuki, devenu un clone d’Itachi Uchiwa pour semer le trouble parmi les rangs des ninjas du village de Konoha.
Pensant affronter le frère aîné de son ami d’enfance Sasuke, connu aussi bien pour sa puissance que pour son caractère sans pitié, Naruto livre un combat sans retenue, utilisant à cette occasion sa technique de l’Orbe Tourbillonant Géant (Ôdama Rasengan). Frappé de plein fouet par l’onde, Yura succombera finalement à ses blessures.
Cette mort, provoquée par le sort de tromperie qui a obligé Naruto à engager toute sa puissance dans un combat qui ne le nécessitait pas, est la seule à attribuer directement à Naruto qui, à l’instar de Luffy, entend tout mettre en oeuvre pour éviter de céder à l’escalade de la violence.
Gokû, meurtrier mais pas trop
Le plus ancien des trois héros mythiques de l’animation japonaise est également le plus meurtrier. Mais son tableau de chasse pourrait toutefois vous surprendre. Tout au long de la série Dragon Ball Z, Gokû ne tue que deux ennemis. Le premier est Yakon, l’un des sbires du sorcier Babidi, qu’il élimine, presque indirectement : la créature ayant pour capacité d’aspirer la puissance de ses adversaires, le Saiyan décide de déployer un maximum d’énergie pour entraîner l’explosion de son ennemi.
Sa deuxième victime est Buu, l’ultime méchant de la série. Après un combat de longue haleine, au cours duquel la totalité de la population terrienne a été tuée (puis ramenée à la vie, grâce aux dragon balls), Gokû terrasse son ennemi grâce à un Genkidama nourri par l’énergie de tous les habitants de la planète Terre. Mais là encore, la mort de Buu est à nuancer.
S’il est tout à fait correct de dire que ce dernier a été tué par le Saiyan, rappelons néanmoins que ce dernier a formulé le vœu que son ennemi puisse ressusciter dans le cœur d’un être pur, afin que leur combat puisse continuer, sous une forme plus amicale. Ce sera chose faite avec Uub, que Gokû prendra comme son disciple à l’issue du tout dernier épisode de la série.
Ironiquement, Gokû a été bien plus meurtrier durant son enfance. Dans la série Dragon Ball, qui relate la jeunesse et l’adolescence du guerrier, on totalise une dizaine d’ennemis assassinés, parmi lesquels Piccolo Daimaô (a.k.a. le vieux Piccolo), ou encore plusieurs membres de l’Armée du Ruban Rouge.