Un travail de préparation et de documentation
Après Discount et Carole Mathieu qui traitaient déjà de problématiques sociales, Louis-Julien Petit s'intéresse cette fois aux Invisibles, ces femmes SDF que l'on ne voit pas et qui représentent pourtant 40 % des personnes sans domicile. C'est en découvrant le travail de Claire Lajeunie - son documentaire pour la télévision Femmes invisibles, survivre dans la rue et son livre Sur la route des Invisibles - que le réalisateur décide de faire de ces femmes le sujet de son nouveau film.
Pour ne pas être redondant avec l'ouvrage de Lajeunie qu'il adapte, Petit décide de raconter son histoire sous l'angle de la comédie sociale. Malgré cela, il prend soin de se documenter et rencontre pendant plus d'un an des femmes SDF dans différents centres d’accueil à travers la France, découvrant par la même occasion le métier des travailleurs sociaux, principalement des femmes.
ll exige de ses comédiennes le même investissement : Audrey Lamy s'est ainsi rendue dans un centre d’accueil à Grenoble où elle a aidé les bénévoles à faire les courses et la cuisine. De son côté, Corinne Masiero était déjà bien sensibilisée à la cause : très engagée, la comédienne développe depuis plusieurs années un projet de structure d’insertion éco-citoyenne pour lutter contre la précarité et l’exclusion.
Des actrices issues de la rue
Autour de sa troupe d'actrices composée également de Déborah Lukumuena et Noémie Lvovsky, Louis-Julien Petit a choisi de réunir des actrices non professionnelles pour incarner les femmes SDF de son film, à l'exception de Sarah Suco et Marie-Christine Orry. Il désirait engager des femmes qui avaient connu la rue et qui avaient réussi à en sortir ou qui vivaient en foyer d'accueil.
Ainsi, 150 femmes ont été "auditionnées" lors d'entretiens où elles parlaient pendant une heure face caméra de leur vie. Des ateliers ont ensuite été mis en place pour les observer en groupe et mieux cerner leurs personnalités. Beaucoup d'entre elles ont quitté le navire à l'issue de la première journée de tournage, découragées par l'ampleur de l'entreprise ou simplement pas intéressées par l'expérience.
Pour faciliter la tâche à ces comédiennes en herbe, l'histoire a été tournée dans l'ordre chronologique. Elles ont également choisi chacune un nom d'emprunt, qui correspondait à celui de leur personnage et qui devenait aussi le leur sur le tournage. En s'abritant derrière ce pseudonyme, elles se sentaient plus libres de se livrer devant la caméra.
Leur manque d'expérience était comblé par la vérité qu'elles dégageaient, comme s'en souvient Audrey Lamy : "Sur le plan de l’interprétation, ces femmes, qui, dans une certaine mesure, « re-jouaient » leur vie, nous ont estomaquées par leur naturel, leur force, leur investissement, leur patience et leur… ponctualité. En les choisissant, Louis-Julien ne s’était pas trompé. Nous, les « pros », on a dû mettre les bouchées doubles pour se hisser à leur niveau".