Sortie en 2021, la mini-série Mare of Easttown a fait partie des évènements télévisuels de l'année passée. Non seulement parce qu’elle a Kate Winslet en tête d’affiche, mais aussi pour son écriture et son réalisme troublant.
Car Mare of Easttown n’est pas une série policière comme les autres. Tout d’abord parce qu’elle replace les femmes, et plus particulièrement les mères au cœur du récit. A commencer par Mare, elle-même, incarnée par Kate Winslet. Elle n’est pas que l’héroïne de la série ou l’enquêtrice principale d’une affaire prenante sur la disparition et le décès d’une jeune fille.
Une femme à part entière
Mare n’est pas un personnage unidimensionnel comme on en a trop vu. C’est une inspectrice chevronnée et acharnée. C’est une femme. Divorcée mais toujours très proche de son ex-mari qui vit avec sa nouvelle compagne dans la même rue que Mare. C’est une mère. Meurtrie par le suicide de son fils aîné, atteint toute sa vie durant de troubles mentaux, et qui a encore sa fille adolescente sous son toit.
Mare, c’est aussi une grand-mère. Elle élève son petit-fils refusant de céder sa garde à sa mère, une ancienne héroïnomane qui peine à remettre sa vie sur les rails. Mare, c’est une fille. Elle vit avec sa mère (Jean Smart) qui aide aussi à l’éducation de son arrière-petit-fils. Mare, c’est une femme avant tout. Une femme qui a souffert. Une femme qui désire. Une femme de tête qui ne compte que sur elle-même.
Mais Mare of Easttown, ce n’est pas que Mare. C’est aussi une galerie de personnages, tous extrêmement bien écrits et complexes. Il y a bien sûr la famille de Mare. Tous doivent d’une manière ou d’une autre continuer à vivre avec l’absence d’un être cher. Mais il y a aussi les protagonistes de l’enquête sur laquelle elle travaille.
Un portrait de l'Amérique
De la jeune Erin, une mère célibataire au destin funeste à Lori (Julianne Nicholson), la meilleure amie de Mare dont le mariage semble battre de l’aile, en passant le jeune inspecteur Colin Zabel (Evan Peters) qui est venu assister Mare sur son affaire de meurtre. Ils sont tous d’une manière ou d’une autre des figures tragiques dans cette banlieue morose de Philadelphie.
Au-delà du portrait de femmes et d’hommes ordinaires, Mare of Easttown dresse aussi le portrait d’une Amérique oubliée et qui n’a souvent pas droit de cité à la télévision. Ici, sous la plume de Brad Ingelsby et devant la caméra de Craig Zobel, cette Amérique crie sa révolte.
L’abandon de toute politique saute aux yeux du téléspectateur. On se rend compte que la communauté ne survit que grâce à quelques âmes nobles – dont Mare – qui surinvestissent leur travail et ont à cœur de faire passer le bien d’autrui avant le leur.
L’autre révolution de la série, c’est l’apparence de Kate Winslet. L’actrice anglaise, connue pour être une égérie de beauté, y apparaît sans maquillage, mal coiffée et mal fagotée dans des vêtements informes. Elle incarne une femme ordinaire, en ressemblant à une femme ordinaire. Elle remporte une vraie victoire ici dans le droit à ne pas faire de son apparence un argument de vente. C'est son talent qui prime.
Sa performance lui a d’ailleurs valu reçu le 9 janvier dernier le Golden Globe de la Meilleure actrice dans une mini-série.