Quel regard portez-vous sur votre personnage depuis votre arrivée dans Un Si Grand Soleil ?
Fred Bianconi : Depuis le départ, j'ai été assez gâté sur ce projet, avec des rebondissements permanents, des choses très fortes à jouer, tout ce qui s'est passé avec la mort de sa fille Léa (Marthe Fieschi), le deuil...
Tout ce qu'il y a eu à jouer pendant cette période, c'était vraiment incroyable et sans doute une des choses les plus fortes que j'ai eues à faire. Le personnage de Virgile est vraiment intéressant, avec cet espèce de double jeu le faisant osciller entre un garçon sympathique et un côté un peu voyou.
Dans l'intrigue actuellement en diffusion, Virgile se retrouve confronté aux sentiments qu'il a toujours pour Eve, dont il s'est rapproché au cours des derniers mois lorsque celle-ci s'est associée à lui pour rénover le camping... Etait-ce inévitable qu'il retombe amoureux d'Eve après toutes les épreuves qu'ils ont traversées ?
Je pense que Virgile n'a jamais vraiment cessé d'être amoureux d'Eve. Il a essayé de se sortir dans un marasme dépressif dans lequel il s'est retrouvé plongé après la mort de Léa. La perte accidentelle d'un enfant, c'est quelque chose d'énorme, personne n'est préparé à ça, et Virgile a traversé différentes étapes de deuil : la colère, le déni, l'envie de vengeance, la recherche d'un responsable...
Et dans tout ça, Eve l'a ramené à quelque chose qui était proche de sa fille. Il y a eu un espèce d'amalgame, et Eve a fait partie des dégâts collatéraux lors de sa descente aux enfers. Mais au fond de lui, ça reste quand même la belle histoire de sa vie.
Là, il se trouve qu'il va un peu mieux et il commence enfin à retrouver un peu goût à la vie. Eve lui amenant une perspective de développement avec ce camping, ça lui amène un projet qui lui donne envie de vivre, et il commence un peu à la regarder différemment. Le fait de sentir que leur complicité est toujours présente commence à lui donner des idées ; il est prêt à se jeter à nouveau dans ses bras.
Sauf qu'entre temps, elle est passée à autre chose, en l'occurrence quelqu'un que Virgile connaît bien, même s'il ne sait pas encore qui et que le public le sait dès le début. Lorsqu'il va découvrir qu'il s'agit de Manu, qui est quand même le bon pote de Virgile après tout ce qu'ils ont traversé ensemble, Virgile va se prendre un sacré coup sur la tête.
Après tout ce que Virgile a fait pour Manu, comme l'aider à cacher Elsa (Julie Boulanger), sa petite amie qui était recherchée par la police avant sa mort, va-t-il lui en vouloir ?
Je ne sais pas exactement à quel moment les choses vont arriver dans la diffusion, mais un évènement extérieur va leur tomber sur la tête à tous les deux, faisant qu'au moment où Virgile va découvrir que l'homme que fréquente Eve est en réalité Manu, il se retrouve embarqué dans une série de problèmes très sérieux.
Par conséquent, ce problème de trahison amoureuse va passer un peu au second plan pour lui. Ca n'empêche pas que leurs rencontres sont teintées de ce conflit sous-jacent, et qu'il va quand même évidemment casser quelque chose entre lui, Eve et Manu. Mais les événements qui se passent ont quand même plus d'importance que ce qui ne reste qu'une "simple" trahison amoureuse par rapport au risque de perdre la vie, par exemple. (rires)
A ce propos, Emma Colberti nous disait dans une interview que c'était de toute façon inenvisageable pour elle que Virgile et Eve se remettent un jour ensemble, car cela signifierait refaire vivre l'absence de Léa, et le souvenir douloureux de la famille qu'ils formaient avant. Qu'en pensez-vous ?
Je pense qu'ils sont comme chien et chat, et que l'amour qu'ils éprouvent l'un pour l'autre est assez profond. Alors, est-ce que tout ce qui se passe autour d'eux n'est pas qu'un leurre ? Moi, à la place de Virgile, j'ai quand même envie d'y croire encore un peu. (rires) C'est aussi ça qui est riche dans les séries d'une manière générale et dans celle-là en particulier, parce que les rebondissements sont nombreux et variés.
D'autant plus après trois ans d'existence, je dirais presque à ma grande surprise parce que je ne savais pas en commençant ce projet jusqu'à quand je continuerais de m'amuser. Tant qu'on n'a pas la sensation de mettre les pieds dans des pantoufles et de faire des trucs répétitifs, l'envie de continuer à faire ce personnage est toujours présente.
Muriel Combeau, qui a rejoint le casting d'Un Si Grand Soleil cette année, avait justement salué l'exigence demandée par le tournage de la série, en disant : "Je pense que vous mettez n'importe quel acteur qui ne fait que du cinéma là-dedans, il ne tient pas deux jours." Vous qui avez tourné dans de grosses séries comme Engrenages pendant plusieurs années, et multiplié les expériences au cinéma, quel est votre point de vue sur le tournage d'une quotidienne ?
C'est assez incroyable, parce que c'est vrai que cette rapidité de fabrication et l'exigence de qualité que chacun met là-dedans, pour donner un résultat auquel les spectateurs peuvent croire, cette immédiateté-là, c'est un véritable exercice qui fait que quand on tourne des scènes, il faut arriver à en sortir sans avoir été frustré de ne pas avoir fait suffisamment bien.
Mais globalement, en étant tous très investis, on arrive à faire du bon boulot. Et cette exigence à chaque poste, que ce soit les réalisateurs, les chefs-op, les cadreurs, les scripts, les électros, les machinos, toutes ces équipes qui se mettent en place rapidement, cette énergie concentrée à sortir le résultat le plus qualitatif possible dans un temps imparti relativement court, est collective.
Et je dois dire que ce rythme, aussi fou que ça puisse paraître, je l'aime bien ! Quand on se retrouve sur un autre tournage et qu'on n'a pas entre sept et dix séquences à tourner par jour, mais seulement quatre ou cinq, ça rame un peu, on trouve ça long ! (rires)
Lorsque j'ai rejoint la série au tout début, je continuais de tourner Engrenages en parallèle, et en comparaison j'avais l'impression d'être sur un rythme de tournage de cinéma. Même si bien sûr ça arrivait avec le réalisateur Frédéric Jardin qu'on fasse aussi des journées qui finissaient à plus de dix minutes utiles par jour, ce qui est énorme pour une série comme Engrenages.
La seule différence avec Un Si Grand Soleil, c'est que ce principe-là est quotidien, et qu'on a quatre équipes techniques qui tournent en même temps. Je suis bluffé de voir ces feuilles de service qui arrivent tous les jours avec plus de trois cent personnes qui interviennent dessus, du scénario à la post-production. La machine de fabrication Un Si Grand Soleil, je la trouve insensée : tous les dix jours, il y a dix épisodes qui sortent du four de cette manière là, sans aucun arrêt pendant toute l'année. C'est quand même dingue !
On pense souvent, par méconnaissance, qu'en tant qu'acteur sur une quotidienne vous avez forcément droit à moins de prises lorsque vous jouez, face à ces contraintes de rythme. Est-ce le cas ?
Pas tout à fait : il y a des moments où, effectivement, des scènes vont être tournées en accéléré, au profit d'une qui aura peut-être besoin de plus de temps. Quand il s'agit de faire un plan-séquence par exemple, on peut faire jusqu'à quinze prises pour avoir la bonne. Les journées de tournage ne sont pas plus longues pour autant, elles sont plus denses.
C'est une espèce de gestion des priorités, entre des scènes qui peuvent être plus anecdotiques et d'autres qui auront besoin d'une densité émotionnelle ou dramatique plus importante, et sur lesquelles on ne va pas hésiter à passer plus de temps.
Pour finir, quels sont vos autres projets en marge de la série ? On vous a notamment vu au casting de la série policière Sophie Cross en novembre sur France 2.
Je m'apprête à faire notre dernière représentation du spectacle Les Darons au Café de la Gare, et la tournée devrait se poursuivre en 2022. C'est une histoire de potes qui dure depuis près de trente ans, c'est une expérience amicale et artistique assez forte.
Sinon, je tourne actuellement dans Un Si Grand Soleil, j'ai commencé une nouvelle arche depuis la rentrée qui est en cours et qui intègre le personnage de Virgile dans de nouveaux horizons, ce qui va m'amener quasiment jusqu'en mars.
Et de l'autre côté, je suis en train de développer un projet de série à destination des plateformes qui fait suite à un court métrage que j'ai co-écrit et co-réalisé avec Maurice Hermet, Le Trait, qui avait remporté le Grand Prix du court-métrage au Festival Polar de Cognac. On est en recherche de développement, et les premiers rendez-vous qu'on a sont très encourageants.