Où en est Florent aujourd'hui dans Un Si Grand Soleil, après toutes les péripéties entraînées par l'arrivée de son frère Jonathan, tout juste sorti de prison, à Montpellier ?
Fabrice Deville : C'est assez amusant, car la série s'inspire de faits de la vie de tous les jours. On voit quelqu'un comme Florent, qui dit depuis le début à qui veut l'entendre que son frère ne changera pas, et on voit bien dans les derniers épisodes diffusés que Jonathan est un coureur de jupons, qu'il manigance avec l'argent des uns et des autres, qu'il manipule tout le monde...
Malgré cela, personne ne me croit, et je me mets à dos aussi bien Kira (Coline Ramos-Pinto) que ma femme, Claire (Mélanie Maudran), qui me trouve trop dur avec mon frère, à tel point que j'en arrive presque à douter de mes propos alors qu'en fait, Jonathan n'est vraiment pas quelqu'un de fréquentable.
Personne ne me croit, mais tous vont bien finir par voir les véritables intentions de mon frère. J'ai vu une scène qui va être diffusée ce soir ou demain, où il va être surpris dans les bras d'Eve (Emma Colberti) à la ressourcerie par Laetitia (Shirley Bousquet), avec qui il flirtait.
En effet, si on pouvait donner le bénéfice du doute à Jonathan au début, on se rend compte peu à peu qu'il retombe dans des travers machiavéliques assez rapidement..
Oui, et tout l'enjeu pour Florent va être de réussir à convaincre son entourage qu'il a raison, et qu'on arrive à le croire, même si tout ça va mettre un sacré bordel dans tout ce qui va se passer par la suite. Ca va aller loin, et les scénaristes se donnent beaucoup de mal pour que le tout reste très crédible. C'est ça qui est agréable à jouer ! On reste dans quelque chose de plausible.
Florent et son frère entretiennent une relation conflictuelle à la suite du décès de leurs parents, bouleversés par l'incarcération de Jonathan. Comment vous et Benjamin Garnier avez-vous travaillé cette relation fraternelle complexe ? Avez-vous échangé en amont sur l'histoire de vos personnages, en vous construisant un récit commun peut-être ?
Bizarrement, même si on s'entend bien et que notre travail ensemble a été très cordial et sympathique, le personnage de Jonathan m'a très vite agacé (rires). Et donc c'était compliqué de sortir de là pour créer du lien - d'autant plus qu'en temps de COVID, on ne pouvait pas aller boire des coups, on ne pouvait pas se retrouver après le tournage, ce n'était pas évident.
Mais comme on a beaucoup tourné ensemble et qu'on ne faisait que s'insulter, les moments décontractés qu'on avait, c'était de déconner ensemble pour souffler un peu entre les prises. Parce que Florent était constamment à dire à son frère "tu pars de la maison, qu'est-ce que tu viens faire ici"...
Donc le passif de Jonathan, je me le suis imaginé de mon côté : c'était un enfant qu'on a adoré, et qui est parti en vrille. Benjamin a sa version, et j'ai la mienne. Dans les conflits familiaux, bien souvent chacun s'en tient à sa version des faits, et se sent très légitime.
Pour Florent, son frère leur a volé de l'argent à lui et ses parents, et pour Jonathan, il va se dire "tu as de l'argent, tu pouvais quand même m'en passer, je suis ton frère !" Donc chacun s'est imaginé son histoire, et ensuite la façon de jouer de Benjamin m'a beaucoup aidé. Nous n'avons pas créé de liens fraternels en dehors du tournage, mais des liens très amicaux, ça c'est sûr. On s'est vraiment nourris l'un et l'autre.
Selon vous, jusqu'où Florent serait-il prêt à aller pour protéger sa famille ?
Jonathan n'a rien d'un tueur en série. Mais à quel moment va-t-il vriller ? On ne voit pas venir, on ne le sent pas. C'est déjà trop tard quand le mal est fait. Florent ne peut pas aller en dehors des clous. il essaie de calmer le jeu du mieux qu'il peut, de ne pas trop l'énerver, mais ça ne suffira pas.
Il sait que son frère peut mettre sa famille en danger, mais ça va venir progressivement. Pour l'instant il est très cool, il emmène les enfants faire du karting... Il va plonger Florent dans une incapacité à réagir. Il ne sait pas comment faire.
Et c'est là que ça va jouer sur une corde sensible de Florent, le grand frère qui a tout fait pour aider son cadet, et qui est est arrivé à un sentiment d'impuissance totale. Parce qu'il a tenté de l'aider des centaines de fois sans pouvoir y arriver.
C'est pour ça que j'apprécie particulièrement le travail des scénaristes sur cette série. Ils sont nombreux à réfléchir à des situations que tout un chacun peut expérimenter et connaître. Je repense notamment à l'intrigue dans laquelle Enric a trompé sa femme, dans laquelle on voit une très belle résolution et que la réconciliation est possible.
Et le plus beau compliment qu'on m'ait fait, c'est sur la manière dont Florent a très bien réagi face aux accusations portées sur Enzo lorsqu'une vidéo intime d'Inès a circulé par sa faute. Florent avait réagi sans lui tomber dessus, en allant vraiment vers la discussion. On explore différentes possibilités à travers la fiction pour se sortir de différentes situations, et on aborde des cas de société qui touchent tout le monde.
En tant que comédien, ce doit être très enrichissant sur le plan humain de pouvoir expérimenter ces situations, sans les conséquences réelles qui vont avec bien sûr.
Avec Coline, Teïlo et Mélanie, on forme vraiment une famille, et Florent porte beaucoup de choses. Il a son cabinet d'avocat, sa vie de famille, le fait d'avoir pris Kira en famille d'accueil, au bout d'un moment toute cette accumulation de choses est trop lourde à porter.
J'ai une chance du tonnerre : j'ai la possibilité de jouer plein de choses, de sentiments, d'émotions... Je vais aller beaucoup dans la souffrance par rapport à cette impuissance de Florent face à son frère, et j'ai trouvé ça super que les réalisateurs successifs m'emmènent sur ce terrain-là, avec une vraie fragilité à montrer.
Il me manquerait juste à la rigueur un copain potache pour aller me marrer histoire d'évacuer un peu, car Florent n'est pas le grand comique de service contrairement à moi (rires), mais j'essaie d'insuffler un peu de ma légèreté au personnage.
Avez-vous eu l'occasion de tourner dans d'autres projets entre deux intrigues d'Un Si Grand Soleil ?
Oui, j'ai pu caler trois films au cours des derniers mois : un unitaire de la série policière Le Crime lui va si bien avec Claudia Tagbo, sur lequel j'ai tourné quatre jours. J'ai ensuite tourné dans Le Prix de la trahison, qui va être diffusé en septembre sur France 3, avec Mimie Mathy et Mathieu Delarive, et enfin un autre téléfilm, Les Mystères de la chorale, que j'ai pu caler en juillet dernier.
La série prend du temps malgré tout, ce qui me va très bien, mais à partir de septembre, avis aux amateurs, je suis tout à fait ouvert pour d'autres projets (rires). Ce qu'on fait est une très bonne carte de visite, ça permet aussi aux gens de voir de quoi on est capables en tant qu'acteurs ; et si un jour je corresponds à un de leurs personnages, et bien pourquoi pas !