Non, Lupin III n'est pas le 3ème opus d'une saga ! Quand on ne connaît pas le personnage, il est normal que la première réaction soit de se questionner sur la présence de ce chiffre après le nom. Ce qui occasionne souvent la blague la plus éculée du monde : "Je n'ai pas vu le un ni le deux !"
Ce chiffre ne correspond donc pas à un numéro de film mais signifie tout simplement Lupin "the third" ou "troisième du nom" en français. En effet, le gentleman cambrioleur est le petit-fils d'Arsène Lupin, personnage emblématique de la littérature française. Ce dernier est né en Normandie sous la plume de Maurice Leblanc en 1905.
En 1967, le mangaka Kazuhiko Kato alias Monkey Punch, s'inspire librement d'Arsène pour inventer les aventures rocambolesques de son petit-fils, Lupin III.
Une première série de 14 volumes sera publiée entre 1967 et 1969. Le succès du manga parvient aux oreilles des ayants droit de Maurice Leblanc, qui ne sont pas d'accord avec l'appropriation du nom Lupin sans autorisation.
Monkey Punch trouve alors un accord avec eux, signant un contrat autorisant l'auteur à utiliser ce nom uniquement au Japon. C'est pourquoi à l'étranger, Lupin a été rebaptisé Edgar (en France) ou Wolf (en Angleterre ou aux USA). Ce n'est qu'en 2012 que le nom de Lupin, tombé dans le domaine public, a pu être utilisé partout dans le monde.
Lupin III est un voleur insaisissable, un cambrioleur unique au monde qui obtient toujours ce qu’il désire. S’il est réputé pour son agilité et son discernement, les jolies filles peuvent rapidement lui faire tourner la tête. Ce côté libre et déjanté plaît beaucoup et contribue grandement au succès du manga.
Ses complices, Jigen, Goemon, Fujiko et son ennemi juré, Zenigata, sont également des personnages emblématiques de l'univers du fantasque cambrioleur. Il se murmure par ailleurs que Monkey Punch se serait inspiré de notre Jean-Paul Belmondo national pour le design de Lupin. L'auteur n'a jamais confimé, contrairement à Buichi Terasawa, créateur de Cobra, qui a revendiqué l'inspiration de Bebel pour son héros.
Toutefois, Monkey Punch s'est inspiré du cinéma pour tisser les relations entre ses personnages. Par exemple, À bout de souffle a beaucoup influencé l'auteur pour construire les connexions entre Lupin III et Fujiko Mine.
Il s'est aussi inspiré du duo Alain Delon-Charles Bronson dans Adieu l'ami pour les relations entre l'as de la cambriole et son complice Daisuke Jigen. À noter que le physique et l'attitude de ce dernier sont clairement inspirés par James Coburn dans Les 7 Mercenaires.
Qui dit succès littéraire dit forcément adaptation en animé. Cette idée germe dans les studios de TMS Entertainment (ex Tokyo Movie) dès 1969. Au départ, il est question de produire un long métrage. Mais le projet n’aboutit finalement qu’en 1971 sous la forme d’une série TV.
Elle sortira en France sous le nom d'Edgar de la Cambriole. C'est une des premières fois qu'une série animée diffusée à la télé vise un public adulte, à une époque où le genre ne se destine principalement qu'aux enfants.
Au début des années 70, un certain Hayao Miyazaki, alors totalement inconnu, va prendre part à l'aventure Lupin III. Au sein du studio TMS, il va réaliser 15 épisodes de la série entre 1971 et 1972. Il collabore à la mise en scène avec un autre futur monstre sacré de l'animation, Isao Takahata.
À l'époque, le japonais a déjà réalisé le long-métrage Horus, prince du soleil. Les deux hommes modifient considérablement le matériau original, plus sombre, faisant de Lupin un héros plus comique et grand guignolesque.
Saviez-vous que le générique italien de Lupin III avait été recyclé pour devenir celui d'Olive & Tom ?
En 1977, une deuxième série est commandée, Edgar, le détective cambrioleur. Elle s'étalera sur 155 épisodes, diffusés entre 1977 et 1980 au Japon (en 1985 en France sur France 3). C'est avec cet animé que les principales caractéristiques de Lupin se dégagent, entre aventures, enquêtes et humour.
La série est un immense succès, faisant gagner au personnage ses premières adaptations sur grand écran. C'est en décembre 1978 que sort Le Secret de Mamo, réalisé par Sôji Yoshikawa. À l’inverse de la série, le studio fait le choix de revenir sur une adaptation plus proche du manga original avec un récit plus sombre.
L'année suivante, Hayao Miyazaki est engagé pour réaliser l'opus suivant, Le Château de Cagliostro. Il s'agit de son premier long-métrage. Le cinéaste souhaite changer complètement de ton pour ce 2ème volet, pour faire de Lupin un cambrioleur bien plus sympathique et vertueux que dans les précédentes versions, où il pouvait agir de façon totalement immorale et grossière.
Le réalisateur opère un virage inattendu, loin du manichéisme des productions du genre, écrivant des personnages bien plus profonds et contrastés. Cette façon de procéder est aussi un pied de nez à Disney, dont les protagonistes sont presque toujours caricaturaux, les gentils d'un côtés, les méchants de l'autre.
Miyazaki occulte également totalement la dimension érotique du manga d'origine, préférant rester dans la subtilité. Cela réflète notamment la propre personnalité du metteur en scène, d'une discrétion et d'une humilité sans faille. On retrouvera cette facette dans tous ses films suivants, le japonais ne sombrant jamais dans la provocation facile ni la vulgarité.
Son exceptionnel sens du détail est aussi déjà présent dans Cagliostro, autant dans l'animation des personnages que dans l'architecture et les paysages. Le succès est au rendez-vous et permet au futur réalisateur de Chihiro de se faire un nom.
Malgré le triomphe du film au Japon, Le Château de Cagliostro n'a jamais atteint les salles françaises à l'époque à cause du désintérêt total de l'Occident pour la japanimation (Il faudra attendre 1995 pour que le producteur Jean-Pierre Dionnet introduise Miyazaki chez nous avec Porco Rosso).
Le film est sorti en vidéo en France dans une version tronquée en 1983 sous le titre Vidocq contre Cagliostro. Il a ensuite bénéficié d'une ressortie cinéma en janvier 2019. Du reste, Cagliostro a fortement marqué des cinéastes comme Steven Spielberg ou John Lasseter.
Une troisième série arrive en 1984 avec un nouveau design, suivie d’un troisième long métrage, L’Or de Babylone, réalisé par Seijun Suzuki (cinéaste connu notamment pour ses films de yakuza). La légende Lupin est désormais installée ! En 1989, la chaîne NTV programme un téléfilm animé, Goodbye Lady Liberty, une histoire inédite de 90 minutes.
Désormais, chaque année, le gentleman cambrioleur fera l’objet d’un épisode spécial. En 2015, une quatrième série de 26 épisodes voit le jour, L'Aventure italienne, suivie d'une cinquième, Lupin III Part V, dont l'action se déroule en France. Un spin-off de 13 épisodes, Lupin III : Une femme nommée Fujiko Mine, est également créé en 2012. Comme son nom l'indique, il est centré sur la complice du célèbre détective.
Sur grand écran, Adieu Nostradamus et Mort ou vif sortiront en 1995 et 1996 au Pays du Soleil Levant. Il faut ensuite attendre 17 ans avant de revoir le mythique gentleman cambrioleur au cinéma dans Lupin III VS Détective Conan (2013). Quant à Lupin III The First, adaptation en animation 3D, c'est le premier film à être diffusé en France en salles sans avoir à attendre plusieurs années après son exploitation au Japon.
Aujourd’hui, avec six séries, une dizaine de longs métrages et plus d’une trentaine de téléfilms, la saga Lupin III fait partie des plus célèbres licences d’animation, l’une des rares qui continue de traverser le temps depuis près de 50 ans.
Lupin III The First : personnage culte, influence de Miyazaki, sa place dans la pop culture... Notre interview du réalisateur !À noter que la légendaire veste portée par Lupin est un marqueur de chaque époque. Suivant les séries ou les films, la couleur change. Ce n’est pas juste un effet de style : chaque couleur marque un certain traitement narratif et artistique des personnages. La veste verte indique la première adaptation avec l’empreinte du duo Hayao Miyazaki / Isao Takahata.
La rouge est celle de la seconde série, celle qui a permis à Lupin III de rencontrer le succès et la plus utilisée, aujourd’hui encore, des téléfilms jusqu’au long métrage Lupin III The First. Il existe aussi une veste rose, vue dans la série de 1984 et le film L'Or de Babylone. Enfin, depuis les années 2010, Lupin porte une veste bleue, marque de ses aventures les plus récentes en Europe.
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