De quoi ça parle ?
Afin de reprendre le contrôle de leur destin, des individus épuisés par la vie se retrouvent amenés à commettre des actes désespérés. Seraient-ils finalement plus proches qu'ils ne le pensaient des monstres qui viennent les hanter pour les mettre face à leurs plus grandes peurs ?
Série anthologique basée sur la collection de nouvelles "North American Lake Monsters : Stories", écrite par Nathan Ballingrud.
Disponible depuis le 4 février sur Salto. 8 épisodes vus sur 8.
C'est avec qui ?
Créée par Mary Laws, qui a travaillé sur la série Preacher et a collaboré avec Nicolas Winding Refn sur le scénario de The Neon Demon, Monsterland est une anthologie qui, comme les récentes Twilight Zone : La quatrième dimension ou Amazing Stories : Histoires fantastiques, met en scène des personnages et des intrigues différentes à chaque épisode. L'occasion pour les sériephiles de croiser bon nombre de visages connus au fil de cette première saison : Mike Colter (Luke Cage, Evil), Taylor Schilling (Orange is the New Black), Kaitlyn Dever (Unbelievable), Charlie Tahan (Ozark, Gotham), Nicole Beharie (Sleepy Hollow), Ben Rappaport (For the People), Hamish Linklater (Legion), ou encore Kelly Marie Tran (Sorry For Your Loss, Rose Tico dans Star Wars).
Ça vaut le coup d'oeil ?
Les vrais monstres ne se cachent pas sous le lit ou dans nos cauchemars, ils sont présents à l'intérieur de chacun de nous. À partir de cette vérité qui fait froid dans le dos, répandue dans le cinéma et la littérature horrifique depuis des décennies, la showrunneuse Mary Laws dresse le portrait d'une Amérique contemporaine en perdition et nous offre huit épisodes à l'ambiance glauquissime, visuellement sublimes, dans lesquels se succèdent des personnages seuls et désespérés, que des décisions souvent terribles vont faire basculer dans l'horreur. Prouvant une fois de plus que l'être humain ne naît pas forcément monstre, mais qu'il le devient au fil des événements, de ses choix, ou de ses actions. Mais ceux qui espèrent trouver dans Monsterland de quoi passer des soirées à se faire peur pourraient bien être déçus car, contrairement à The Haunting of Hill House ou Channel Zero notamment, cette nouvelle série horrifique reste assez timide sur les frissons. Malgré les monstres bien réels que croisent épisode après épisodes les différents protagonistes aux quatre coins des États-Unis puisque chaque chapitre a pour titre le nom d'une ville, de "Port Fourchon, Louisiane" à "Newark, New Jersey", en passant par "Eugene, Oregon".
Qu'elles soient sirène, zombie, ange, tueur sadique pouvant littéralement changer de peau, ou trompettiste démoniaque aux dents acérées, les créatures de Monsterland ne sont finalement qu'un prétexte. Un prolongement, voire un miroir, de ces hommes et de ces femmes emplis de regrets, de peurs, ou d'une culpabilité devenue trop grande pour être contenue, qui sont issus de toutes les classes sociales - de la serveuse qui peine à boucler les fins de mois à l'homme d'affaire possédé par une force inconnue. Et font ainsi écho, de manière plus ou moins subtile, à l'Amérique de Trump dans toute sa décadence, mais aussi dans les divisions, notamment sociales et raciales, qu'elle a un peu plus creusé chaque jour au sein même de la société. Davantage ancrée dans le réel et dans une notion d'horreur existentielle que la plupart des séries fantastiques de ces dernières années, Monsterland s'amuse, à partir des nouvelles de Nathan Ballingrud - un auteur qui cite Stephen King parmi ses références ultimes - à égratigner l'Amérique d'aujourd'hui et les monstres que le climat de peur et de haine ayant balayé le pays a inéxorablement créé, ou tout simplement fait ressortir. Un parti pris intéressant, mais qui n'arrive pas toujours à convaincre tant les épisodes de cette première saison sont inégaux dans leur exécution ou dans la puissance et la pertinence de leur propos.
Certains épisodes de Monsterland souffrent en effet de longueurs, de points d'intrigues vus et revus, et d'un sous-texte un peu trop "évident" pour réellement passionner le téléspectateur habitués aux anthologies horrifiques dans la veine de Creepshow ou des Contes de la crypte. Mais les performances des comédiens sont toutes excellentes - même dans les épisodes les plus "faibles" - et certains chapitres de cette anthologie méritent heureusement à eux seuls qu'on s'intéresse à Monsterland. À l'image du premier épisode, qui voit Kaitlyn Dever incarner une jeune mère célibataire qui perd pied et qui, suite à sa rencontre avec un mystérieux tueur joué par un Jonathan Tucker tout bonnement excellent, va finir par prendre une décision tragique qui devrait sans peine vous glacer le sang. On retient également "Iron River, Michigan", porté par une Kelly Marie Tran étonnante. "Plainfield Illinois", qui revisite la figure du zombie de manière très astucieuse afin d'évoquer la poids que la maladie mentale peut avoir sur un couple et doit beaucoup aux prestations bouleversantes du duo Taylor Schilling-Roberta Colindrez. Et, enfin, "Newark, New Jersey", le "final" de la saison, dans lequel le Luke Cage Mike Colter prête ses traits à un père de famille qui refuse d'accepter la disparition de sa fille et dont l'existence va à nouveau basculer lorsqu'un ange à l'esthétique "particulière" va faire irruption dans sa vie. Trois épisodes qui poussent assez loin le curseur du fantastique et ne laissent pas insensibles.
Finalement, lorsqu'elle est réellement réussie, Monsterland fonctionne davantage comme un drame bouleversant, qui nous questionne sur la condition humaine et sur l'époque parfois très sombre dans laquelle nous vivons. Et si l'on peut déplorer que l'horreur ne soit pas vraiment au rendez-vous - au-delà de quelques séquences tendues bien senties - l'esthétique envoûtante de la série, sa galerie de monstres surprenante, et le très haut niveau de l'interprétation suffisent tout de même à en faire une découverte recommandée. Qui peut se regarder (presque) dans n'importe quel ordre puisque, malgré son côté anthologique, un fil rouge existe à travers le personnage de Toni, campé par Kaitlyn Dever, qui apparaît en tout et pour tout dans trois épisodes. Il convient donc, au moins, de regarder les épisodes 1 et 8 en premier et en dernier. Mais, chut, nous n'en dirons pas plus.