Le bilan est rude pour le soap marseillais historique et pionnier de la fiction quotidienne en France. En deux ans, la part d'audience de Plus Belle la vie est passé de 17,6 % à 12,8 %, rapporte le site Les Echos. Comment expliquer une telle perte sur un programme qui fidélise pourtant les téléspectateurs depuis plus de quinze ans ?
Bien sûr, le feuilleton en a vu d'autres en termes de variations d'audiences depuis sa création en 2004. Mais avec l'arrivée de la quotidienne de TF1 en 2017, puis celle de France 2 en 2018 et un changement d'horaire pour éviter la concurrence frontale avec cette dernière, la comparaison avec les autres feuilletons est inévitable : on compte désormais 2,4 millions de téléspectateurs en moyenne chaque soir pour Plus Belle la vie depuis le mois de juin, contre 3 millions pour Demain nous appartient sur TF1 et 3,4 millions pour Un Si Grand Soleil depuis la reprise de leur diffusion en juin dernier. Comment relancer la machine et continuer à se renouveler ?
Faire revenir des personnages phares
Depuis 15 ans, de nombreux personnages qui ont marqué les fans du feuilleton ont quitté Plus Belle la vie. Parmi les retours les plus attendus, celui de Laëtitia Milot est toujours en suspens, depuis le départ du personnage de Mélanie de la quotidienne en 2018, malgré de sérieuses déclarations de la comédienne sur un éventuel come-back en 2020. A l'instar de Dounia Coesens, l'interprète de Johanna Marci révélée dans le feuilleton à l'âge de 15 ans. Ayant quitté la série en 2014, celle-ci déclarait dans les colonnes du magazine Télé Star en octobre que son retour n'était pas à l'ordre du jour, sans tirer un trait définitif sur la quotidienne pour autant : "Si je suis disponible quand la production m'appelle, je viens". Le retour de Thierry Rageneau dans la quotidienne le mois dernier, qui interprète le père de Johanna Marci, a d'autant plus laissé espérer de futures retrouvailles familiales aux fans. Dernier retour fort en date, celui d'Aurélie Vaneck, en 2019 dans le rôle de Ninon après six ans d'absence du feuilleton, s'est inscrit dans le cadre d'une intrigue forte sur le mouvement #MeToo et la libération de la parole pour les victimes de viol. Cependant, malgré le retour de Barbara (Léa François) cet été avec un nouveau-né, et une intrigue familiale forte à la rentrée autour de Roland, l'indéboulonable patron du bar le Mistral icnarné par Michel Cordes depuis les débuts du feuilleton, les audiences ont continué de décliner, passant même sous la barre des 11% de PDA le 23 septembre dernier. Semblerait-il que les personnages emblématiques du feuilleton ne suffisent plus à garder le public devant le petit écran, lassé par le turnover de plus en plus fréquents des interprètres ?
Renouveler le cast
En effet, Plus Belle la vie a enregistré un certain nombre de départs en série au cours des deux dernières années : Sara Mortensen (Coralie), remerciée pour des raisons d'emploi du temps, puis Manon Bresch (Thérèse), devenue depuis l'une des têtes d'affiches de la série Mortel sur Netflix, ou plus récemment Fabienne Carat, qui a décidé de quitter Plus Belle la vie après avoir incarné le personnage de Samia Nassri pendant près de 15 ans, ressentant désormais "le besoin de grandir seule et de la quitter." En 2019, la mort inattendue de Jérôme Belesta, qui représentait le patriarche de la famille "populaire" du Mistral, a beaucoup ému les téléspectateurs, résultait également du choix de son interprète Laurent Orry de quitter la série. Mais si ces départs définitifs sont mieux acceptés par le public, les remplacements d'acteurs et d'actrices dans des rôles installés depuis des années le sont moins. Coralie Audret, la nouvelle interprète de Coralie après le départ de Sara Mortensen, très appréciée par le public, en a fait les fraits à son arrivée. Idem pour le personnage de Thérèse Marci, qui a connu pas moins de trois interprètes différentes en six ans ! Depuis la rentrée, le jeune Noé Ruiz a également changé de visage une nouvelle fois, après avoir grandi sous les yeux des téléspectateurs au fil des ans. Et si de nouveaux personnages ont été progressivement intégrés à la quotidienne, notamment parmi les lycéens qui évoluent à chaque saison, on peut se demander si, face à la lassitude ou aux envies d'ailleurs des comédiens installés, la quotidienne gagnerait à renouveler sa galerie de personnages en sollicitant de nouvelles recrues. "On est un centre de formation de talents, l'équivalent d'un petit club de foot qui se dit qu'un jour, les grands vont venir prendre les meilleurs" déclarait l'ex-producteur de la série Sébastien Charbit en juin 2019.
Des intrigues toujours plus fortes
Car cette lassitude ressentie par certains acteurs et le public peut s'expliquer en partie par l'accumulation d'intrigues toutes plus diverses et variées au fil des ans. Des thématiques sociétales actuelles mêlées à des enquêtes policières acrobatiques, des histoires d'amour et de ruptures à n'en plus finir, jusqu'au surnaturel et au retour d'entre les morts de certains personnages, Plus Belle la vie a tout fait, et ses personnages ont vécu dix vies en une. Car il en faut de la matière, pour alimenter les 260 épisodes diffusés chaque année sur France 3. Si des primes annuels viennent marquer à grands coups de sensationnel les intrigues les plus fortes, comme celui de l'effondrement du gymnase du lycée en 2019 qui a coûté la vie à Jérôme Belesta, ou encore celui de mars 2020 dans lequel Luna découvrait la vérité sur Pavel et retrouvait l'usage de ses jambes, comment continuer à captiver le public lorsqu'on a déjà tout abordé ou presque ? Fort heureusement, la réalité dépasse toujours la fiction et l'actualité regorge de matière à inspirer les scénaristes pour continuer à faire vivre les Mistraliens, et incarner le vivre-ensemble si cher à la série. Parmi les sujets les plus forts traités par Plus Belle la vie ces dernières années, on peut notamment citer la transition d'Antoine Bommel, née fille et qui s'identifie comme garçon, et son travail d'acceptation de sa transidentité auprès de ses proches, ou encore la GPA à travers la maternité de Céline Frémont, ou encore la maladie d'Alzheimer et la fin de vie, à travers le parcours très émouvant de Jocelyn. Enfin, la mise en quarantaine de l'hôpital Marseille-Est suite à la propagation d'un virus très contagieux a marqué une coïcidence troublante avec l'actualité du pays en début d'année, preuve de l'ancrage de la série dans l'air du temps.
Rajeunir le public
Avec un âge moyen de 57 ans, le public de Plus Belle la Vie est un peu plus jeune que celui de France 3, situé autour de 65 ans. Ce qui en fait la deuxième quotidienne derrière Demain nous appartient (52,7 ans) à attirer une audience plus jeune, selon une étude réalisée en 2019, bien devant Un Si Grand Soleil et sa moyenne d'âge de 62 ans. Un atout que France Télévisions met régulièrement en avant.
Avec de grandes intrigues centrées sur les adolescents et leur vie au lycée chaque année, le feuilleton marseillais a prouvé qu'il savait s'emparer de thématiques liées à la jeunesse. Qu'il s'agisse du passage du bac, des retombées de Parcoursup, mais aussi du harcèlement scolaire, des premiers amours et de la découverte de son homosexualité, comme l'intrigue entre Tom et Luis. De quoi donner envie à la quotidienne de faire plus de place à la nouvelle génération afin d'attirer une audience plus jeune, à l'instar de Demain nous appartient, dont 38 % du public a moins de 50 ans ?
Retenter un spin-off
A cet effet, TF1, voulant miser sur la case de l'access prime time, a initié en cette rentrée 2020 un spin-off de son feuilleton quotidien centré sur des protagonistes étudiants, faisant leur rentrée dans une grande école d'hôtellerie. Avec son environnement et ses personnages aux problématiques propres à un public jeune (avenir professionnel, vie étudiante, exploration des différentes sexualités, intégration et handicap) Ici tout commence cible directement les 15-34 ans. Le soap marseillais pourrait-il envisager à son tour de lancer un spinoff consacré à l'envol de ses ex-lycéens vers les études supérieures et la vie active, comme le couple Baptiste/Emma que les spectateurs ont vu emménager ensemble, trouver un emploi et avoir un bébé ? Avec les récents départs d'Antoine, Tom, Mila et Théo du lycée, dernière génération d'adolescents "réguliers" de la quotidienne, on peut se poser la question. Plus Belle la vie n'en est d'ailleurs pas à son coup d'essai en matière de spinoff. Une Vie en Nord, unitaire diffusé en 2014, était ainsi centré sur le départ de Marseille de Ninon et Rudy, fraîchement mariés, pour aller vivre de nouvelles aventures dans les environs de Lille, et marquer le point de départ d'une fiction récurrente sur le quotidien du couple en cas de succès. Faute d'audiences satisfaisantes, France 3 n'a finalement pas transformé l'essai. Mais le groupe ne se cache désormais plus de réfléchir à un "après" pour Plus Belle la Vie, et les belles audiences du nouveau soap de TF1 lancé le 2 novembre pourrait bien changer la donne. " Il est beaucoup trop tôt pour arrêter PBLV. Le public est attaché au feuilleton et fidèle. Ce serait trop sensible. Mais dans les toutes prochaines années, rien n'est impossible", confiait une source proche du groupe France Télévisions aux site Les Echos en mars dernier. "On y réfléchit, et on va commencer à imaginer des développements possibles via notre filiale de production interne." Patience, donc...
Notre reportage pour les quinze ans de Plus Belle la vie :